mercredi 1 juin 2016

31 mai – The Dalles, Columbia River Historical Highway (Oregon)

De Hermiston à The Dalles, nous longeons le majestueux fleuve Columbia. Il est 9h00 et il fait déjà 20°C et pas un seul nuage de pluie dans le ciel.  C’est une région assez désertique à voir la couleur des champs. De grands systèmes d’irrigation sont installés à travers les champs de cultures qui sont d’un vert foncé, contrastant avec leurs voisins jaunâtres. Nous voyons, le long de la route, des plantations d’arbres  bien enlignés qui sont destinés à la vente commerciale. Quand l’homme combat la nature, il doit en payer le prix, en raison du besoin en eau, en électricité et danger de feux de forêt, dus à la chaleur et de la sécheresse. 

Un peu de verdure dans ce désert

Mona, il manque juste « ck » pour faire Blacklock
 Nous nous arrêtons au Columbia Gorge Discovery Center à The Dalles vers l’heure du midi.  Il fait déjà 30°C, mais c’est froid à l’intérieur, probablement pour assurer la conservation des artefacts.  C’est un excellent musée qui a reproduit une ville au temps des pionniers comme si nous nous promenions dans une rue. 

Non, Lewis ne l'aurait pas engagé
Nous nous attardons particulièrement à la conserverie de saumon Seufert qui parle de la vie des travailleurs aux 19e et 20e siècles.  L’industrie du saumon sur la côte du Pacifique débuta en 1864 quand les investisseurs du Maine établirent une conserverie sur la rivière Sacramento.  Jusqu’à cette date, tout le poisson était soit séché, fumé ou salé.  L’invention de la boite de conserve en métal transforma cette industrie.  Vers 1896, les conserveries pouvaient produire 1,000 à 2,000 caisses de conserves par année. 

Pendant des décennies, le travail de mise en conserve sur la côte du Pacifique était effectué par les chinois. Ils acceptaient de travailler 11 heures par jour jusqu’à 1920, et 10 heures par jour dans les années 1930, 6 jours par semaine, pendant 6 mois par année.  Peu d’autres hommes acceptaient d’endurer l’isolement, le travail répétitif et le confinement que cela exigeait. Ce système était dominé par la communauté chinoise qui effectuait un contrôle rigide sur les employés, les patrons étant souvent les membres d’une même famille. De nos jours, on dirait qu’il s’agit de la mafia chinoise. 


Nous prenons ensuite le temps de nous promener le long d’un des sentiers du Centre offrant une vue magnifique sur le Columbia, jusqu’à ce que la chaleur ait raison de notre résistance.  

Le long d'un sentier au Discovery Center
Nous quittons l’autoroute 84 pour emprunter la 30, route historique de Columbia River. Cette route fut construite en 1916 pour relier The Dalles à Portland.  C’est une route sinueuse qui serpente en montagne et offre de magnifiques coups d'œil sur le fleuve Columbia. On peut facilement imaginer Lewis et Clark ainsi que les hommes de l’Expédition navigant sur ces eaux, heureux d’atteindre enfin leur but.  En regardant cette route du haut de Rowena Crest, il est facile d’oublier le défi que cela a représenté au début du 20e siècle pour les ingénieurs et les travailleurs. 

Vue du fleuve Columbia du haut de Rowena Crest
Historic Highway 30 


 Nous nous installons au Ainsworth State Park, le long de la route 30 et attendons en soirée pour aller voir les fameuses chutes Multnomah un peu plus à l’ouest.  Elles sont tout à fait spectaculaires.  Comme il fait moins chaud, nous montons le sentier qui grimpe à la hauteur du pont et se rend jusqu’au sommet de la plus haute chute. Nous ne vous cacherons pas que notre grimpette s’est terminée bien avant d’atteindre le sommet.  

Multnomah Fall
Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons à Oneonta Gorge.  Lors de la construction de la route 30, en 1916, les automobiles passaient par ce trou dans la montagne. En l’espace de 10 ans, il a fallu dévier la route pour permettre aux voitures devenant de plus en plus grosses de passer. 

Oneonta Gorge, par où passaient les autos en 1916


Nous nous inquiétions du bruit de la route 30 qui passe juste à côté du camping, mais c’est plutôt le bruit des trains qui est problématique, et il en passe un nombre effarant.  C’est le seul bémol à ce beau state park.

En descendant le fleuve Columbia en 1805 (suite)
Lewis avait réalisé depuis longtemps que le Columbia avait des rapides et des chutes importantes étant donné qu’il descendait des Rocheuses vers le Pacifique.  Le 23 octobre, l’expédition arriva au début d’un majestueux mais dangereux tronçon du fleuve qui s’étendait sur 55 milles.  Il y avait quatre obstacles majeurs à traverser (tous inondés aujourd’hui par des barrages-réservoirs) commençant par les chutes Celilo. Dans un court tronçon, la rivière descendait de 38 pieds à travers des canaux étroits entre des falaises aussi hautes que 3000 pieds. Lewis et Clark partirent dans des directions opposées pour étudier les chutes et les environs.  Ils décidèrent qu’ils devaient faire un seul portage sur une descente de 20 pieds. Ils purent engager des indiens locaux avec leurs chevaux pour les aider à transporter les articles les plus lourds dans le portage. Aux autres endroits des rapides, ils purent descendre les canots en utilisant de solides cordes de peaux de cerfs. 

Les indiens étaient rassemblés sur les berges pour regarder les hommes blancs. Leur présence était souvent une bénédiction. Ils avaient des chiens et des poissons séchés à vendre, informaient les hommes des conditions du fleuve en aval et possédaient une technologie que les capitaines pouvaient utiliser. Lewis visita un village où il put observer son premier canot Chinookan, fabriqué de pin et remarquablement léger et large au centre. Il put échanger le plus petit canot de l’expédition pour un des leurs en leur donnant en plus une petite hache et quelques babioles.

Les chutes suivantes, appelées  « The Dalles », commencèrent par les « Short Narrows »,  un passage de ¾ de mille de long où les eaux étaient resserrées dans canal de 45 mètres de large. Les capitaines explorèrent les berges et furent d’accord qu’aucun portage avec les gros canots n’était possible au-dessus des corniches rocheuses.  Ils envoyèrent les hommes qui ne savaient pas nager par le sentier, transportant les articles de valeur, pendant qu’eux-mêmes et les nageurs descendraient les rapides en canot, transportant les bagages les plus lourds et de moins de valeur.  Selon les standards des canoéistes d’aujourd’hui, c’était des rapides de classe 5, signifiant qu’ils ne pouvaient être descendus même avec un canot moderne spécialement conçu pour le rafting. Les indiens étaient réunis par centaines le long des berges pour voir les hommes blancs se noyer et prêts à ramasser l’équipement abandonné. Mais, à leur plus grand étonnement, les Américains réussirent la descente sans incident.

L’obstacle suivant était les « Long Narrows » où le fleuve rétrécissait de 50 à 100 verges (mètres) sur trois milles. Les capitaines utilisèrent la même stratégie que dans les « Short Narrows » et une fois encore les canots passèrent sans encombre.  Les hommes installèrent leur camp à la fin des rapides, sur un haut rocher qui formait une sorte de fortification.  Les capitaines appelèrent l’endroit  « Fort Rock Camp » (le site actuel de la ville The Dalles, Oregon). Ils restèrent à cet endroit trois jours pour réparer les canots, sécher les bagages et chasser.  Ils firent ensuite leurs adieux à Twisted Hair et Tetoharsky qui retournèrent vers leurs villages.

Les indiens locaux causaient des problèmes à l’expédition par leur penchant à chaparder; tout objet laissé de côté pour un moment disparaissait. La plus grande préoccupation des capitaines n’était plus les flèches des indiens mais la protection de leurs provisions contre les voleurs.

Le 30 octobre, l’équipage se mit en route à nouveau et campa au-dessus des Cascades (the « Great Shute » comme écrivit Lewis) en vue de partir en reconnaissance le lendemain matin.  Cette section du fleuve s’étendait sur 4 milles avec des rapides qui passaient par une série de chutes. Mais au-delà des chutes, le fleuve s’élargissait et semblait subir l’effet de la marée, ce qui était une excellente nouvelle.  Les 1er et 2 novembre, l’équipage passa à travers la dernière barrière. Par endroits, il fut possible de faire du portage, tandis qu’à d’autres les hommes purent lancer les canots en utilisant des cordes pour les descendre. Le jour suivant, l’équipage arriva à Beacon Rock, le début des eaux de la marée.

L’expédition entrait dans un monde différent. Les berges étaient couvertes de sapins, d’épinettes et d’aulnes, contrastant avec la région semi-désertique en amont. Les indiens de la région firent mauvaise impression sur Lewis et son équipage.  Habitués à négocier difficilement avec les hommes blancs qui faisaient le commerce des loutres de mer, les indiens s’attendaient à négocier de la même façon avec les explorateurs affamés. Les prix pour les racines et le poisson étaient exagérément gonflés.

La préoccupation immédiate des capitaines était d’atteindre l’océan.  Ils ne pouvaient pas décider de l’endroit où passer l’hiver avant d’atteindre leur objectif. Le 3 novembre, ils atteignirent l’actuelle ville de Vancouver dans l’état de Washington et campèrent sur la rive nord de la rivière Willamette. Pour la première fois depuis avril 1805, l’expédition était dans une région qui avait été explorée et cartographiée par les blancs. Le matin du 6 novembre, un épais brouillard recouvrit la région, retardant l’équipage jusqu’à l’après-midi. Soudain, Clark cria « Océan en vue! ». Les hommes ramèrent de toutes leurs forces comme pour entreprendre une course avec l’océan.  Ils avancèrent de 34 milles ce jour-là. Clark avait réagi un peu prématurément; ce qu’il avait vu, c’était l’estuaire du Columbia et non l’océan. 

Pendant onze jours, ils furent cloués au camp à Point Ellice, par la marée, les vagues, le vent et la pluie. Les capitaines et les hommes avaient plus l’air de survivants d’un naufrage que des membres triomphants du Corps expéditionnaire. Depuis mai 1804, l’expédition s’était arrêtée seulement durant l’hiver ou pour quelques jours de repos. Ils détestaient être immobilisés par une force qu’ils ne pouvaient combattre. Ils purent être secourus par les indiens Clatsops vivant sur la rive sud de l’estuaire, qui traversèrent facilement avec leurs canots côtiers et  leur vendirent des racines et du poisson.

Le 13 novembre, les capitaines envoyèrent les soldats Colter, Willard et Shannon, dans un canot indien, explorer le littoral au-delà de Point Ellice pour trouver un meilleur endroit pour camper. Le jour suivant, Colter revint à pied et informa les capitaines qu’il y avait plus loin une plage de sable et un endroit pour camper ainsi que du gibier. Le lendemain, Lewis se rendit à la plage pour explorer les lieux, tandis que Clark prépara le déménagement du camp dès que la température le permettrait.

Lewis partit en exploration, contourna Cape Disappointment et marcha le long de la côte pendant plusieurs milles. Il grava avec fierté son nom sur un arbre à l’extrémité de Cape Disappointment. Le 17 novembre, Lewis rejoignit Clark au camp sur la plage où les hommes restèrent une semaine (aujourd’hui Fort Canby State Park, près de McKenzie Head). Les chasseurs purent chasser et rapporter de la viande à l’équipage. Le 18 novembre, ce fut au tour de Clark de partir en exploration avec York et dix hommes à Cape Disappointment où il trouva l’inscription de Lewis sur un arbre. Il suivit l’exemple de Lewis, tout en l’améliorant en ajoutant son nom et la date ainsi que la magnifique phrase « By land from the U. States in 1804 & 1805 ».

Le jour suivant, une vieille femme Chinook arriva avec six de ses filles et nièces pour vendre leurs faveurs aux hommes blancs. Les jeunes filles aimaient beaucoup l’attention que leur portaient les hommes blancs. Pendant ce temps, le mot s’était répandu parmi les Clatsops que les capitaines étaient prêts à payer le gros prix pour des fourrures de loutres de mer. Ce soir-là un groupe d’indiens vint au camp avec deux robes de fourrure à vendre.  Les capitaines voulaient les acheter mais le prix était trop élevé. Clark fut étonné quand un propriétaire refusa l’offre d’une montre, un mouchoir, un paquet de perles rouges et une pièce d’un dollar américain. Les indiens voulaient des perles bleues et les capitaines n’en avaient plus. Encore, les capitaines aimèrent beaucoup plus les Clatsops que les Chinooks, principalement parce que les Clatsops n’étaient pas voleurs. Ceci devint le principal facteur pour décider où passer l’hiver.

Les Clatsops les informèrent qu’il y avait beaucoup de wapitis sur le côté sud de l’estuaire du Columbia.  Lewis voulait se rapprocher de l’océan afin que les hommes puissent fabriquer du sel avec l’eau de la mer; lui et ses hommes étaient avides de sel. Pas Clark qui trouvait que c’était mauvais pour la santé. Lewis avait une meilleure raison pour vouloir rester près de la côte. Il y avait une bonne chance qu’un bateau de commerce arrive durant l’hiver, ce qui résoudrait leurs problèmes d’approvisionnement. Clark fut d’accord. Pour cette occasion, les capitaines décidèrent que tous participeraient à la décision. Un vote fut pris. Les choix étaient de rester où ils étaient présentement, de retourner aux chutes ou de traverser du côté sud et examiner l’endroit avant de prendre une décision. Naturellement, la troisième alternative gagna très largement. Si les sites du côté sud étaient insatisfaisants, la moitié des votants voulaient retourner aux chutes tandis que l’autre moitié voulait rester sur place. Sacagawea voulait rester sur place où il y avait beaucoup de racines à cueillir.  C’était le premier vote tenu dans le nord-ouest du Pacifique et la première fois dans l’histoire américaine qu’un esclave noir et une femme eurent droit de vote.


Le 26 novembre, l’expédition traversa du côté sud et campa sur la rive est de la rivière John Day où, encore, ils furent retenus par le mauvais temps. Le 29 novembre, Lewis en eut assez et partit avec un canot indien et quelques hommes pour explorer la région. La première nuit, ils établirent leur camp près de l’endroit où se trouve aujourd’hui la ville d’Astoria en Orégon. Le lendemain, ils explorèrent Youngs Bay (ainsi nommé par un lieutenant de l’expédition de Vancouver) et ne trouvèrent rien de satisfaisant. Au cours des jours suivants, ils se rendirent plus loin sur la rivière Lewis and Clark, où Lewis trouva l’endroit idéal. C’était une petite falaise s’élevant à quelque 30 pieds au-dessus de la marque de la marée haute, éloignée de 200 pieds de la rivière et à trois milles de son embouchure. C’était près d’une source, il y avait beaucoup de gros arbres qui pouvaient être utilisés pour construire un fort et des abris. C’était aussi situé à quelques milles de l’océan où ils pourraient fabriquer du sel et, le meilleur, l’endroit était idéal pour la chasse. Drouillard et un autre chasseur avaient déjà  tué six wapitis et cinq chevreuils. Ces informations satisfirent tout l’équipage. Le 7 décembre, Lewis guida l’expédition sur le site qu’ils appelèrent Fort Clatsop. 

3 commentaires:

  1. J'adore lire les textes de Lewis et Clark. J'ai l'impression de les voir vivre. C'est très captivant.
    Je croyais t'avoir dit d'apporter un manteau d'hiver! ta soeur Louise

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  2. Je sais, je devrais toujours écouter ma petite soeur. Bien contente que tu apprécies l'histoire de Lewis et Clark. Un gros merci à Richard pour avoir pris le temps de reviser mes textes.

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  3. De très belles scènes...l'autoroute et la chute. Wow! Pour les textes de Lewis et Clark, j'avoue que je ne les lis pas au complet. Donc j'aime bien lorsque tu insères un peu de l'histoire dans ton journal de voyage. Mona

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