vendredi 3 juin 2016

2 juin, Fort Clatsop (Oregon), Cape Desappointment (Washington)

Jeudi matin, nous roulons en direction nord-ouest jusqu’à ce que nous atteignons la route 101 qui longe le Pacifique puis nous nous dirigeons vers Fort Clatsop . Après une courte averse, un soleil timide se fraie un chemin à travers les gros nuages gris.  Juste à l’entrée du chemin conduisant au fort, la route est barrée. Un grave accident s’est produit ce matin sur ce tronceau et la route ne rouvrira pas avant une heure.  Comme le Petit Prince, nous repasserons plus tard.  C’est donc Astoria que nous visiterons en premier lieu.

Dire « visiter Astoria » est un bien grand mot, plutôt nous montons, descendons et remontons les rues, car la ville est construite en paliers. Finalement nous arrivons  à Astoria Column, qui est l’attraction de la ville.  Des murales sur la colonne célèbrent les moments de l’histoire du nord-ouest, allant de l’arrivée du capitaine Robert Gray sur le bateau Columbia en 1792 jusqu’à l’arrivée du chemin de fer dans les années 1880. Pour atteindre le sommet de cette colonne, il faut monter 164 marches dans un escalier de métal en colimaçon. Ce n’est pas trop fatiguant car nous devons sans cesse nous arrêter pour laisser passer un groupe d’étudiants, en sortie éducative, qui s’amusent à lancer des avions miniatures du haut de la colonne.
 
Astoria Column
Le pont conduisant à l'état de Washington
A droite, le long de la rivière, se trouve Fort Clatsop
Après diner, nous rebroussons chemin pour aller visiter Fort Clatsop où les membres de l’Expédition passèrent un hiver pénible en 1805-1806. Comme nous connaissons bien l’histoire de leur hiver à ce fort, il est facile de nous mettre dans l’ambiance bien que la reconstitution s’arrête aux bâtiments.  L’intérieur des lieux où vivaient les hommes est sans décor, sans reproduction de leur habitat, contrairement à ce que nous avons vu à Fort Mandan.

Fort Clatsop
La porte arrière qui conduisait à la source
En route pour Cape Disappointment, nous faisons un arrêt à l’endroit (Dismal Nitich) où Lewis, Clark et les membres de l’Expédition furent cloués par une tempête pendant six jours en novembre 1805.

Nous nous installons pour la nuit au camping de Cape Disappointment où nous avons l’eau et l’électricité sur notre site, de quoi rendre jaloux Lewis et Clark, s’ils revenaient à notre époque.  Une visite au Lewis & Clark Interpretive Center nous fait revivre toutes les étapes de leur aventure et nous nous attardons particulièrement à l’étape de leur passage dans cette région en compagnie des Chinooks et des Clatsops.  

C’est ici que nous terminons la première partie de notre voyage « Sur les traces de Lewis et Clark ». Demain, nous entreprendrons l’étape « En route vers l’Alaska » que nous atteindrons le 11 juin. Nous espérons que vous avez aimé revivre la grande aventure de ces héros américains du début du 19e siècle.  

Dernier épisode de Lewis et Clark ….

Fort Clatsop, 8 décembre 1805 au 23 mars 1806
Le matin du 8 décembre, Clark partit à la recherche de la meilleure route pour se rendre à l’océan et trouver l’endroit idéal pour établir le camp pour la fabrication de sel. Leur méthode était de faire bouillir l’eau de mer dans cinq grands chaudrons jusqu’à l’évaporation de l’eau, ensuite de racler les côtés pour en extraire le sel. Lewis envoya les chasseurs à la chasse et chargea le reste des hommes d’aller abattre des arbres pour fabriquer des habitations et une palissade. Le 14 décembre, les hommes avaient suffisamment de bois pour commencer à le fendre. Ils trouvèrent que le bois, probablement de grands sapins, se fendait magnifiquement, même larges de deux pieds et plus.  Le premier bâtiment qu’ils commencèrent à construite fut un fumoir; ils trouvaient que la préservation de la viande dans un climat si pluvieux, nécessitait des mesures hors de l’ordinaire.

Le travail avançait lentement. Il pleuvait souvent et plusieurs hommes étaient malades ou blessés. En plus du rhume et de la grippe, quelques-uns souffraient d’entorses au genou et d’épaules disloquées. Et les puces, inévitables, qui tourmentaient leurs nuits et les empêchaient de bien dormir. Les divertissements et le commerce avec les indiens qui venaient les visiter prenaient beaucoup de temps aussi. En dépit des interruptions quotidiennes, le travail avançait. Le 17 décembre, les murs des bâtisses étaient suffisamment avancés pour que quelques hommes puissent commencer à remplir les fentes entre les billots. Une semaine plus tard, ils installaient les toits. Les capitaines purent emménager dans leurs quartiers inachevés le 23 décembre et le jour suivant le soldat Field leur fabriqua des tables pour écrire. Fort Clatsop dont la dimension était de 50 pieds carrés, était composé de deux bâtiments se faisant face et joints sur les côtés par des palissades. Il y avait une barrière principale à l’avant et une plus petite à l’arrière qui donnait accès à la source.  Une des structures était divisée en trois pièces qui servaient de quartiers pour les hommes. L’autre contenait quatre pièces, une pour les capitaines, une pour Charbonneau, Sacagawea et leur fils Jean-Baptiste, une comme salle des rapports des soldats et la quatrième était le fumoir.

Le matin du 25 décembre 1805, les hommes réveillèrent les capitaines par une salve, des cris et un chant et  échangèrent des présents.  Mais les célébrations ne furent pas longues; c’était un jour humide et désagréable et  leur souper consista en wapiti et poissons si avariés que les hommes les mangeaient par nécessité. Trois jours plus tard, les capitaines envoyèrent quelques hommes au camp de fabrication de sel. Le 29 décembre, les Clatsops informèrent les capitaines qu’une baleine avait été trouvée sur la côte près de Tillamook Head. Lewis sélectionna quelques hommes pour aller chercher de l’huile et de la graisse de baleine mais les vents étaient trop forts pour risquer une telle sortie.

Le 30 décembre, le fort était complété. Au coucher du soleil, les capitaines dirent aux Clatsops qu’à partir de maintenant, quand la noirceur tomberait, les barrières seraient fermées et qu’ils devraient quitter le fort. Les indiens quittèrent à contrecœur et mécontents.

Chaque quartier des habitations avait ses propres articles de cuisine, son chaudron et son feu. Les capitaines fournissaient à chaque mess (cantine) une hache. Tous les autres outils utilisés en commun étaient gardés dans le quartier des capitaines. Ils pouvaient être pris avec leur permission et retournés immédiatement après usage. Cette règle était établie pour prévenir que les hommes succombent à la tentation de les négocier pour des faveurs sexuelles ou des fourrures. Discipline, ordre, sécurité et paix avec les voisins étaient les objectifs de Lewis en tant que commandant de ses soldats.

Aucun ordre, cependant, ne peut se prémunir contre des accidents ou simplement de stupides actions.  Le matin du 11 janvier, le sergent de garde rapporta que le canot indien manquait. Lewis découvrit que les hommes qui l’avaient utilisé le soir précédent avaient négligé de le sécuriser et il avait été emporté par la marée. Il envoya deux équipes à sa recherche, mais ils revinrent bredouilles. Lewis en conclut tristement que le canot était perdu. Heureusement, le 5 février, sergent Gass profita de la marée haute pour explorer une crique et trouva le canot perdu depuis si longtemps et si déploré.

La routine usait aussi la vigilance.  Les allées et venues presque quotidiennes des Clatsops et quelques fois des Chinooks, firent de la présence indienne dans le fort une scène familière. Les capitaines donnaient souvent la permission à un chef et son petit groupe la permission de passer la nuit au fort. Les hommes avaient fréquemment des contacts sexuels avec les femmes indiennes. Les jeunes guerriers indiens étaient doux et inoffensifs, préférant manifestement la pêche et le commerce à la bagarre. Même les capitaines devinrent tolérants.

Le temps était déprimant au mieux. Mesurer la latitude et la longitude aurait fourni de la diversion et un sens d’accomplissement à Lewis, mais c’était impossible à cause du mauvais temps. Les hommes se divertissaient avec le sexe mais de toute évidence, les capitaines ne le faisaient pas. Les hommes payèrent le prix pour cette activité, pas seulement en perles et babioles, mais en contractant des maladies vénériennes.  Et Lewis joua au docteur en distribuant des médicaments.  A Fort Mandan, la santé des hommes avait été un problème mineur, mais à Fort Clatsop, leur santé fut une inquiétude majeure. Il y avait toujours quelqu’un alité avec de la fièvre, un rhume, une grippe, une attaque de maladie vénérienne ou un muscle froissé.

La viande était rarement fraîche, parce que les chasseurs devaient étendre leur terrain de chasse et s’éloigner à plusieurs kilomètres du fort. Ils étaient souvent partis pour plusieurs jours. Il n’y avait pas suffisamment de viande pour tous, parce que les hommes dévoraient la viande fraîche prodigieusement.  Le 20 janvier, il ne leur restait que pour trois jours de provisions, ce qui inquiétait Lewis, mais les hommes étaient tellement habitués de se priver que ça ne les dérangeait pas. Un heureux changement à leur alimentation se produisit finalement. Clark était sorti en canot avec un groupe pour trouver la baleine échouée sur la rive sud du camp de fabrication de sel. Parmi eux était Sacagawea. Elle avait beaucoup insisté pour y aller, argumentant qu’elle avait voyagé longtemps avec eux pour voir la grande mer et qu’elle trouvait difficile de ne pas avoir la permission de la voir.  Clark se plia à ses arguments et l’autorisa.  Il revint au camp avec 300 livres de graisse et quelques gallons d’huile de baleine. Lewis était si content qu’il se permit un mot d’esprit. « Si petites étaient nos réserves de nourriture, que nous apprécions  hautement  la main de la providence pour avoir dirigé vers nous cette baleine et, nous la trouvons plus généreuse envers nous qu’elle l’a été envers Jonas, en envoyant ce monstre pour être avalé par nous au lieu de nous avaler comme il le fit avec Jonas. »

A la fin de février, l’eulakane, qu’on appelait aussi poisson chandelle, commença à se retrouver en grande quantité dans les eaux de l’estuaire. Chaque eulakane, d’une forte teneur en huile, mesurait environ sept pouces de long.  Les Clatsops les pêchaient au filet et les vendaient à l’expédition, après leur avoir montré comment les apprêter; ils les attachaient ensemble et les faisaient rôtir. Lewis les trouvait supérieurs à tout autre poisson qu’il avait goûté. A partir de ce moment et jusqu’à ce qu’ils quittèrent la région, les capitaines achetèrent tous les eulakanes qu’ils pouvaient s’offrir.

Superviser le travail des hommes et faire le commerce avec les indiens ne prenaient qu’une partie du temps de Lewis. Durant l’hiver, il passa plusieurs heures chaque jour à son bureau, dans ses quartiers humides, froids et enfumés, avec une chandelle pour l’éclairer, à écrire dans son journal. C’était presque une existence de moine, mais il aimait écrire, surtout sur des sujets scientifiques comme la botanique, la zoologie, la géographie et l’ethnologie.  Ces écrits durant l’hiver à Fort Clatsop constituèrent une contribution inestimable pour la science.

Pendant que Lewis décrivait les oiseaux, les plantes et les animaux, Clark travaillait à sa carte couvrant le pays du Fort Mandan au Fort Clatsop. Le 11 février, il terminait son travail, une autre contribution inestimable au savoir des hommes. Avec sa carte précédente sur le bas Missouri, cela donnait une image complète de tout l’ouest américain. Les implications de cette nouvelle carte furent le sujet d’intenses discussions entre les capitaines. Lewis écrivait dans son journal, le 14 février, « Après trois jours à revoir la carte entière avec Clark, nous avons maintenant découvert que nous avons trouvé le passage le plus réalisable et navigable à travers le continent nord-américain. » Cette note, bien que triomphante, cachait une profonde déception. Il n’existait pas de route entièrement navigable à travers le continent. Le court portage entre le Missouri et le Columbia n’existait pas. Au-delà de ses sentiments de fierté personnels, Jefferson aura à payer un prix politique, avec les Sioux bloquant le Missouri et les Fédéralistes qui auront une arme pour ridiculiser l’achat de la Louisiane.

Mais il ne pourrait y avoir de rapport, personne à personne, à Jefferson, si Lewis et ses hommes ne retournaient pas à l’est. Il se prépara en conséquence. Il vérifia les provisions, spécialement les fusils et munitions, maintenant leur seule source de subsistance et défense au cours de la route de 4000 milles exclusivement habitée par les indiens amis et ennemis. Les contenants de plomb avaient passé à travers bien des aventures mais ils étaient peu endommagés, la poudre était sèche, les mocassins avaient été fabriqués par les hommes et les fusils étaient en bon ordre, grâce à l’habileté du soldat Shields.

La date de leur départ avait été fixée au 20 mars. Ce jour vint et passa; le vent soufflait si fort que les Américains n’osèrent pas tenter un départ sur le fleuve.  En prévision de leur départ, Lewis avait prévu acheter une couple de canots des indiens afin de remonter le fleuve aussi loin que les chutes les plus basses.  Les articles d’échange de l’expédition étaient très pauvres. Tous les petits articles qu’ils possédaient pouvaient être contenus dans deux mouchoirs. La balance de leurs provisions consistait en six couvertures bleues, un manteau d’uniforme et un chapeau d’artillerie, cinq couvertures fabriquées avec leur grand drapeau et quelques bouts de ruban.  Ils dépendaient de ce stock pour l’achat de chevaux et de nourriture auprès des indiens.  Mais il ne pourrait y avoir de traversée des montagnes si l’expédition ne pouvait atteindre en premier lieu les chutes du Colombia et, pour cela, Lewis avait besoin des canots indiens.  Le 17 mars, il envoya donc Drouillard avec son précieux manteau d’uniforme pour payer le prix demandé par le propriétaire du canot.

Le 22 mars, la tempête diminua en intensité et l’équipage se préparait à partir. Ce jour-là le chef Coboway leur rendit visite. Lewis lui donna les habitations et les meubles du fort et le remercia pour son amitié et son hospitalité.  A 1:00 p.m., les membres de l’expédition firent leurs adieux au Fort Clatsop et débutèrent leur voyage de retour qui dura six mois. Le 22 septembre 1806, Lewis, Clark et l’équipage étaient de retour à St. Louis où les attendait une foule enthousiaste sur les berges. Plusieurs les pensaient morts et étaient étonnés de les voir revenir.

Lewis avait planifié et organisé, avec l’aide de Clark, ce voyage de découvertes qui avait été le rêve de sa vie. Il revenait avec un sentiment de profonde satisfaction. Il avait complété un voyage héroïque qui le plaçait ainsi que son partenaire dans le panthéon des grands explorateurs.


Mais qu’est-il advenu d’eux ? Lewis connut un destin tragique et mourut trois ans plus tard, à l’âge de 35 ans. A son retour, Clark épousa Julia Hancock, celle qu’il aimait depuis toujours. Il adopta Jean-Baptiste, le fils de Sacagawea qu’il appelait Pompy, quand celle-ci mourut six ans plus tard, et il le fit instruire. Bien que York, son esclave, l’ait bien servi durant l’expédition, Clark refusa de lui accorder sa liberté à leur retour et ce n’est que cinq ans plus tard qu’il en fit un homme libre.  

3 commentaires:

  1. Il me semble qu'une bonne partie du pond qui mène à l'état de Washington et très proche de la surface de l'eau...je me demande comment souvent ils doivent le fermer. Cape Disappointment? Pas un nom qui m'attire pour aller voir le cap. ;) Mona

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  2. Je viens de me mettre à date! Paysages, histoire, musées, tout vous intéresse! Un voyage tel qu'on les aime! Merci de partager! Bonne seconde partie de voyage!

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    1. Bien heureux que cela vous ait plu. D'autres belles histoires à venir.

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