Jeudi matin, nous roulons en direction nord-ouest jusqu’à ce
que nous atteignons la route 101 qui longe le Pacifique puis nous nous
dirigeons vers Fort Clatsop . Après une courte averse, un soleil timide se
fraie un chemin à travers les gros nuages gris.
Juste à l’entrée du chemin conduisant au fort, la route est barrée. Un
grave accident s’est produit ce matin sur ce tronceau et la route ne rouvrira
pas avant une heure. Comme le Petit
Prince, nous repasserons plus tard.
C’est donc Astoria que nous visiterons en premier lieu.
Dire « visiter Astoria » est un bien grand mot,
plutôt nous montons, descendons et remontons les rues, car la ville est
construite en paliers. Finalement nous arrivons
à Astoria Column, qui est l’attraction de la ville. Des murales sur la colonne célèbrent les
moments de l’histoire du nord-ouest, allant de l’arrivée du capitaine Robert
Gray sur le bateau Columbia en 1792 jusqu’à l’arrivée du chemin de fer dans les
années 1880. Pour atteindre le sommet de cette colonne, il faut monter 164
marches dans un escalier de métal en colimaçon. Ce n’est pas trop fatiguant car
nous devons sans cesse nous arrêter pour laisser passer un groupe d’étudiants,
en sortie éducative, qui s’amusent à lancer des avions miniatures du haut de la
colonne.
Le pont conduisant à l'état de Washington |
A droite, le long de la rivière, se trouve Fort Clatsop |
Après diner, nous rebroussons chemin pour aller visiter Fort
Clatsop où les membres de l’Expédition passèrent un hiver pénible en 1805-1806.
Comme nous connaissons bien l’histoire de leur hiver à ce fort, il est facile
de nous mettre dans l’ambiance bien que la reconstitution s’arrête aux
bâtiments. L’intérieur des lieux où
vivaient les hommes est sans décor, sans reproduction de leur habitat,
contrairement à ce que nous avons vu à Fort Mandan.
Fort Clatsop |
La porte arrière qui conduisait à la source |
Nous nous installons pour la nuit au camping de Cape
Disappointment où nous avons l’eau et l’électricité sur notre site, de quoi
rendre jaloux Lewis et Clark, s’ils revenaient à notre époque. Une visite au Lewis & Clark Interpretive
Center nous fait revivre toutes les étapes de leur aventure et nous nous
attardons particulièrement à l’étape de leur passage dans cette région en
compagnie des Chinooks et des Clatsops.
C’est ici que nous terminons la première partie de notre
voyage « Sur les traces de Lewis et Clark ». Demain, nous
entreprendrons l’étape « En route vers l’Alaska » que nous
atteindrons le 11 juin. Nous espérons que vous avez aimé revivre la grande
aventure de ces héros américains du début du 19e siècle.
Dernier épisode de Lewis et Clark ….
Fort Clatsop, 8
décembre 1805 au 23 mars 1806
Le matin du 8 décembre, Clark partit à la recherche de la
meilleure route pour se rendre à l’océan et trouver l’endroit idéal pour
établir le camp pour la fabrication de sel. Leur méthode était de faire bouillir
l’eau de mer dans cinq grands chaudrons jusqu’à l’évaporation de l’eau, ensuite
de racler les côtés pour en extraire le sel. Lewis envoya les chasseurs à la
chasse et chargea le reste des hommes d’aller abattre des arbres pour fabriquer
des habitations et une palissade. Le 14 décembre, les hommes avaient suffisamment
de bois pour commencer à le fendre. Ils trouvèrent que le bois, probablement de
grands sapins, se fendait magnifiquement, même larges de deux pieds et
plus. Le premier bâtiment qu’ils
commencèrent à construite fut un fumoir; ils trouvaient que la préservation de
la viande dans un climat si pluvieux, nécessitait des mesures hors de
l’ordinaire.
Le travail avançait lentement. Il pleuvait souvent et
plusieurs hommes étaient malades ou blessés. En plus du rhume et de la grippe,
quelques-uns souffraient d’entorses au genou et d’épaules disloquées. Et les
puces, inévitables, qui tourmentaient leurs nuits et les empêchaient de bien
dormir. Les divertissements et le commerce avec les indiens qui venaient les
visiter prenaient beaucoup de temps aussi. En dépit des interruptions
quotidiennes, le travail avançait. Le 17 décembre, les murs des bâtisses
étaient suffisamment avancés pour que quelques hommes puissent commencer à
remplir les fentes entre les billots. Une semaine plus tard, ils installaient
les toits. Les capitaines purent emménager dans leurs quartiers inachevés le 23
décembre et le jour suivant le soldat Field leur fabriqua des tables pour
écrire. Fort Clatsop dont la dimension était de 50 pieds carrés, était composé
de deux bâtiments se faisant face et joints sur les côtés par des palissades.
Il y avait une barrière principale à l’avant et une plus petite à l’arrière qui
donnait accès à la source. Une des
structures était divisée en trois pièces qui servaient de quartiers pour les
hommes. L’autre contenait quatre pièces, une pour les capitaines, une pour
Charbonneau, Sacagawea et leur fils Jean-Baptiste, une comme salle des rapports
des soldats et la quatrième était le fumoir.
Le matin du 25 décembre 1805, les hommes réveillèrent les
capitaines par une salve, des cris et un chant et échangèrent des présents. Mais les célébrations ne furent pas longues;
c’était un jour humide et désagréable et leur souper consista en wapiti et poissons si
avariés que les hommes les mangeaient par nécessité. Trois jours plus tard, les
capitaines envoyèrent quelques hommes au camp de fabrication de sel. Le 29
décembre, les Clatsops informèrent les capitaines qu’une baleine avait été
trouvée sur la côte près de Tillamook Head. Lewis sélectionna quelques hommes
pour aller chercher de l’huile et de la graisse de baleine mais les vents
étaient trop forts pour risquer une telle sortie.
Le 30 décembre, le fort était complété. Au coucher du
soleil, les capitaines dirent aux Clatsops qu’à partir de maintenant, quand la
noirceur tomberait, les barrières seraient fermées et qu’ils devraient quitter
le fort. Les indiens quittèrent à contrecœur et mécontents.
Chaque quartier des habitations avait ses propres articles
de cuisine, son chaudron et son feu. Les capitaines fournissaient à chaque mess
(cantine) une hache. Tous les autres outils utilisés en commun étaient gardés
dans le quartier des capitaines. Ils pouvaient être pris avec leur permission
et retournés immédiatement après usage. Cette règle était établie pour prévenir
que les hommes succombent à la tentation de les négocier pour des faveurs
sexuelles ou des fourrures. Discipline, ordre, sécurité et paix avec les
voisins étaient les objectifs de Lewis en tant que commandant de ses soldats.
Aucun ordre, cependant, ne peut se prémunir contre des
accidents ou simplement de stupides actions.
Le matin du 11 janvier, le sergent de garde rapporta que le canot indien
manquait. Lewis découvrit que les hommes qui l’avaient utilisé le soir
précédent avaient négligé de le sécuriser et il avait été emporté par la marée.
Il envoya deux équipes à sa recherche, mais ils revinrent bredouilles. Lewis en
conclut tristement que le canot était perdu. Heureusement, le 5 février,
sergent Gass profita de la marée haute pour explorer une crique et trouva le
canot perdu depuis si longtemps et si déploré.
La routine usait aussi la vigilance. Les allées et venues presque quotidiennes des
Clatsops et quelques fois des Chinooks, firent de la présence indienne dans le
fort une scène familière. Les capitaines donnaient souvent la permission à un
chef et son petit groupe la permission de passer la nuit au fort. Les hommes
avaient fréquemment des contacts sexuels avec les femmes indiennes. Les jeunes
guerriers indiens étaient doux et inoffensifs, préférant manifestement la pêche
et le commerce à la bagarre. Même les capitaines devinrent tolérants.
Le temps était déprimant au mieux. Mesurer la latitude et la
longitude aurait fourni de la diversion et un sens d’accomplissement à Lewis,
mais c’était impossible à cause du mauvais temps. Les hommes se divertissaient
avec le sexe mais de toute évidence, les capitaines ne le faisaient pas. Les
hommes payèrent le prix pour cette activité, pas seulement en perles et
babioles, mais en contractant des maladies vénériennes. Et Lewis joua au docteur en distribuant des
médicaments. A Fort Mandan, la santé des
hommes avait été un problème mineur, mais à Fort Clatsop, leur santé fut une inquiétude
majeure. Il y avait toujours quelqu’un alité avec de la fièvre, un rhume, une
grippe, une attaque de maladie vénérienne ou un muscle froissé.
La viande était rarement fraîche, parce que les chasseurs
devaient étendre leur terrain de chasse et s’éloigner à plusieurs kilomètres du
fort. Ils étaient souvent partis pour plusieurs jours. Il n’y avait pas
suffisamment de viande pour tous, parce que les hommes dévoraient la viande
fraîche prodigieusement. Le 20 janvier,
il ne leur restait que pour trois jours de provisions, ce qui inquiétait Lewis,
mais les hommes étaient tellement habitués de se priver que ça ne les
dérangeait pas. Un heureux changement à leur alimentation se produisit
finalement. Clark était sorti en canot avec un groupe pour trouver la baleine
échouée sur la rive sud du camp de fabrication de sel. Parmi eux était
Sacagawea. Elle avait beaucoup insisté pour y aller, argumentant qu’elle avait
voyagé longtemps avec eux pour voir la grande mer et qu’elle trouvait difficile
de ne pas avoir la permission de la voir.
Clark se plia à ses arguments et l’autorisa. Il revint au camp avec 300 livres de graisse
et quelques gallons d’huile de baleine. Lewis était si content qu’il se permit
un mot d’esprit. « Si petites étaient nos réserves de nourriture, que nous
apprécions hautement la main de la providence pour avoir dirigé
vers nous cette baleine et, nous la trouvons plus généreuse envers nous qu’elle
l’a été envers Jonas, en envoyant ce monstre pour être avalé par nous au lieu
de nous avaler comme il le fit avec Jonas. »
A la fin de février, l’eulakane, qu’on appelait aussi poisson
chandelle, commença à se retrouver en grande quantité dans les eaux de
l’estuaire. Chaque eulakane, d’une forte teneur en huile, mesurait environ sept
pouces de long. Les Clatsops les
pêchaient au filet et les vendaient à l’expédition, après leur avoir montré
comment les apprêter; ils les attachaient ensemble et les faisaient rôtir. Lewis
les trouvait supérieurs à tout autre poisson qu’il avait goûté. A partir de ce
moment et jusqu’à ce qu’ils quittèrent la région, les capitaines achetèrent
tous les eulakanes qu’ils pouvaient s’offrir.
Superviser le travail des hommes et faire le commerce avec
les indiens ne prenaient qu’une partie du temps de Lewis. Durant l’hiver, il
passa plusieurs heures chaque jour à son bureau, dans ses quartiers humides,
froids et enfumés, avec une chandelle pour l’éclairer, à écrire dans son
journal. C’était presque une existence de moine, mais il aimait écrire, surtout
sur des sujets scientifiques comme la botanique, la zoologie, la géographie et
l’ethnologie. Ces écrits durant l’hiver
à Fort Clatsop constituèrent une contribution inestimable pour la science.
Pendant que Lewis décrivait les oiseaux, les plantes et les
animaux, Clark travaillait à sa carte couvrant le pays du Fort Mandan au Fort
Clatsop. Le 11 février, il terminait son travail, une autre contribution
inestimable au savoir des hommes. Avec sa carte précédente sur le bas Missouri,
cela donnait une image complète de tout l’ouest américain. Les implications de
cette nouvelle carte furent le sujet d’intenses discussions entre les
capitaines. Lewis écrivait dans son journal, le 14 février, « Après trois
jours à revoir la carte entière avec Clark, nous avons maintenant découvert que
nous avons trouvé le passage le plus réalisable et navigable à travers le
continent nord-américain. » Cette note, bien que triomphante, cachait une
profonde déception. Il n’existait pas de route entièrement navigable à travers
le continent. Le court portage entre le Missouri et le Columbia n’existait pas.
Au-delà de ses sentiments de fierté personnels, Jefferson aura à payer un prix
politique, avec les Sioux bloquant le Missouri et les Fédéralistes qui auront
une arme pour ridiculiser l’achat de la Louisiane.
Mais il ne pourrait y avoir de rapport, personne à personne,
à Jefferson, si Lewis et ses hommes ne retournaient pas à l’est. Il se prépara
en conséquence. Il vérifia les provisions, spécialement les fusils et
munitions, maintenant leur seule source de subsistance et défense au cours de
la route de 4000 milles exclusivement habitée par les indiens amis et ennemis.
Les contenants de plomb avaient passé à travers bien des aventures mais ils
étaient peu endommagés, la poudre était sèche, les mocassins avaient été
fabriqués par les hommes et les fusils étaient en bon ordre, grâce à l’habileté
du soldat Shields.
La date de leur départ avait été fixée au 20 mars. Ce jour
vint et passa; le vent soufflait si fort que les Américains n’osèrent pas
tenter un départ sur le fleuve. En
prévision de leur départ, Lewis avait prévu acheter une couple de canots des
indiens afin de remonter le fleuve aussi loin que les chutes les plus basses. Les articles d’échange de l’expédition étaient
très pauvres. Tous les petits articles qu’ils possédaient pouvaient être
contenus dans deux mouchoirs. La balance de leurs provisions consistait en six
couvertures bleues, un manteau d’uniforme et un chapeau d’artillerie, cinq couvertures
fabriquées avec leur grand drapeau et quelques bouts de ruban. Ils dépendaient de ce stock pour l’achat de
chevaux et de nourriture auprès des indiens.
Mais il ne pourrait y avoir de traversée des montagnes si l’expédition
ne pouvait atteindre en premier lieu les chutes du Colombia et, pour cela, Lewis
avait besoin des canots indiens. Le 17
mars, il envoya donc Drouillard avec son précieux manteau d’uniforme pour payer
le prix demandé par le propriétaire du canot.
Le 22 mars, la tempête diminua en intensité et l’équipage se
préparait à partir. Ce jour-là le chef Coboway leur rendit visite. Lewis lui
donna les habitations et les meubles du fort et le remercia pour son amitié et
son hospitalité. A 1:00 p.m., les
membres de l’expédition firent leurs adieux au Fort Clatsop et débutèrent leur
voyage de retour qui dura six mois. Le 22 septembre 1806, Lewis, Clark et
l’équipage étaient de retour à St. Louis où les attendait une foule
enthousiaste sur les berges. Plusieurs les pensaient morts et étaient étonnés
de les voir revenir.
Lewis avait planifié et organisé, avec l’aide de Clark, ce
voyage de découvertes qui avait été le rêve de sa vie. Il revenait avec un
sentiment de profonde satisfaction. Il avait complété un voyage héroïque qui le
plaçait ainsi que son partenaire dans le panthéon des grands explorateurs.
Mais qu’est-il advenu d’eux ? Lewis connut un destin
tragique et mourut trois ans plus tard, à l’âge de 35 ans. A son retour, Clark
épousa Julia Hancock, celle qu’il aimait depuis toujours. Il adopta
Jean-Baptiste, le fils de Sacagawea qu’il appelait Pompy, quand celle-ci mourut
six ans plus tard, et il le fit instruire. Bien que York, son esclave, l’ait
bien servi durant l’expédition, Clark refusa de lui accorder sa liberté à leur
retour et ce n’est que cinq ans plus tard qu’il en fit un homme libre.
Il me semble qu'une bonne partie du pond qui mène à l'état de Washington et très proche de la surface de l'eau...je me demande comment souvent ils doivent le fermer. Cape Disappointment? Pas un nom qui m'attire pour aller voir le cap. ;) Mona
RépondreEffacerJe viens de me mettre à date! Paysages, histoire, musées, tout vous intéresse! Un voyage tel qu'on les aime! Merci de partager! Bonne seconde partie de voyage!
RépondreEffacerBien heureux que cela vous ait plu. D'autres belles histoires à venir.
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