Vendredi fut une
journée sans découverte ou presque. Après un peu de magasinage à Missoula,
Serge a de nouveaux souliers et moi un manteau plus chaud en duvet, nous
prenons la route 12 qui traverse Lolo National Park. Nous nous arrêtons au site
historique Travelers’ Rest où les hommes de l’Expédition s’arrêtèrent pour camper
en septembre 1805 après avoir traversé la « Lost Trail Pass » sous la
neige. Ils furent tellement bien accueillis par les indiens Salishs qu’ils s’y
arrêtèrent à nouveau lors de leur voyage de retour en juillet 1806. De nos
jours, les archéologues ont découvert en ce lieu quelques artefacts et une
tranchée qui a servi de latrine à l’Expédition.
Tipi à Travelers' Rest |
Après avoir passé Lolo Hot Spring où le camping n’était pas
très invitant, nous nous arrêtons à Lee Creek Campground, un autre camping sans
électricité ni douche, mais combien joli avec ses sites boisés sur emplacements
pavés et cela pour $10. La seule chose qui manque, c’est la chaleur, il fait à
peine 15 °Celsius. Oui, je sais, il fait 28 à 30 degrés chez vous en Ontario et
au Québec. Vous n’avez rien à envier au sud. Nos voisins, les chiens de
prairie, sont tellement timides qu’ils entrent dans leurs trous au moindre
bruit.
La nuit a été fraîche, à peine 2° Celsius. Nous aimons
tellement ce camping que nous lui pardonnons de ne pas avoir l’électricité.
Samedi matin,
quelques kilomètres après avoir quitté le camping, nous arrivons en Idaho et
nous nous arrêtons au Lolo Pass Visitor Center. C’est là que nous apprenons que
nous devons reculer nos montres d’une heure car nous sommes maintenant à
l’heure du Pacifique. Par un chemin de
terre, nous nous rendons à l’endroit où Lewis et Clark et les hommes de l’Expédition
ont campé, le 13 septembre 1805, sur le bord de Glade Creek, après avoir
traversé la Lolo Pass. Il y a encore de la neige dans le sous-bois, nulle doute
qu’il en fut de même en septembre 1805.
Sur le bord de Glade Creek |
Nous continuons notre route vers l’ouest le long de la rivière Lochsa. Nous cherchons
les Hot Springs Jerry Johnson qui, selon Google Map, se trouvent à 40 kilomètres
du camping Lee Creek. Les kilomètres
sont déjà écoulés et toujours pas signe des Hot Springs. Nous voyons un pont
suspendu au-dessus de la rivière et décidons d’aller faire une ballade de
l’autre côté de la rivière. Nous
marchons pendant 40 minutes et tout à coup nous voyons des gens accroupis dans
des mares d’eau fumantes. C’est donc ça les Hots Springs Jerry Johnson! Pas étonnant
que le GPS ne les trouvait pas. Les
habitués de la place nous disent que c’est un prospecteur qui les a trouvés par
hasard.
Le pont menant à Jerry Johnson Hot Springs |
Le long de la Lochsa River |
L'eau était vraiment trop chaude, un pied à la fois me suffisait |
Toujours en longeant la rivière Lochsa, nous voyons des
groupes de rafteurs descendre la rivière en pneumatiques, en kayaks et en genre
de mini-catamarans. Du haut d’un pont suspendu, en compagnie de plusieurs
spectateurs, nous les regardons manœuvrer dans les rapides avec dextérité.
C’est loin de nos petits voyages en kayak à la Baie Georgienne.
Nous arrivons au RV Park Clearwater Crossing, très bien
situé sur le bord de la rivière Clearwater à Orofino. Nous avons tous les services, des
douches et une buanderie qui nous sont très utiles aujourd’hui. Il fait tellement beau que nous cuisinons et
mangeons à l’extérieur ce soir, tout en imaginant Lewis et Clark passer sur la
rivière.
Sur le bord de la rivière Clearwater, des burgers au bison pour souper |
Au-delà des
Bitterroots, 1er septembre au 6 octobre 1805
L’expédition partit tôt le 1er septembre montant
vers la ligne continentale dans une région où il n’y avait aucun sentier
indien, en suivant le guide Shoshone que les capitaines appelaient Old Toby. La
région était si isolée que même deux siècles plus tard, elle demeure aussi
inhabitée.
Le 3 septembre, il neigea. Il n’y avait aucun gibier dans
les montagnes à l’exception de quelques rares perdrix. Les hommes mangèrent
donc le lard salé qu’il leur restait. Finalement, ils arrivèrent à la ligne
continentale qu’ils suivirent sur quelques milles, le long de la frontière
actuelle de l’Idaho et du Montana. Puis,
ils commencèrent leur descente vers la vallée Bitterroot. Le lendemain, ils
descendirent abruptement vers une rivière, appelée de nos jours Bitterroot
River. Ils y rencontrèrent une bande
d’indiens Salisihs qui possédaient environ 500 chevaux. Les Salishs étaient amicaux. La présence
d’Old Toby aida sans doute à faciliter les choses, les Salishs étant amis avec
les Shoshones. En vérité, cette bande allait rejoindre Cameahait et son peuple
aux Three Forks.
Bien que leurs provisions étaient aussi minimes que celles
des hommes de l’expédition, ils partagèrent avec eux leurs baies et leurs
racines. Ils échangèrent aussi quelques
chevaux, à un meilleur prix que les Shoshones demandaient. Les capitaines en
achetèrent treize en échange de quelques articles de marchandise.
Le 6 septembre, les hommes allégèrent le fardeau des chevaux
Shoshones en transférant l’excès sur les chevaux Salishs, puis repartirent en
longeant la rivière Bitterroot. Au cours des trois jours suivants, la descente de la vaste vallée Bitterroot fut
relativement facile, mais tout en marchant, les capitaines et leurs hommes
regardaient à leur gauche les sommets enneigés des montagnes Bitterroots. Ils
allaient devoir les traverser. Comment ? Ils pouvaient à peine l’imaginer.
La nuit du 9 septembre, les hommes campèrent à la jonction
d’un ruisseau venant de l’ouest (aujourd’hui Lolo Creek). Old Toby informa
Lewis qu’à partir de cet endroit, ils quitteraient la rivière Bitterroot et
continueraient tout droit vers l’ouest, au-delà de Lolo Creek et ensuite vers
les montagnes. Le matin du 10
septembre, Lewis envoya tous les hommes à la chasse. Ils revinrent avec 4
cerfs, 1 castor et 3 perdrix. Et encore plus chanceux, le soldat Colter revint
avec trois indiens d’une tribu qui vivait de l’autre côté des montagnes;
c’était fort probablement des Nez Percés. Ils poursuivaient une bande de
Shoshones qui leur avaient volé 21 chevaux. L’un d’eux accepta de rester avec
les Américains et de les conduire à sa tribu qui résidait dans une plaine, de
l’autre côté des montagnes, sur la rivière Columbia. La meilleure nouvelle fut que l’indien lui
dit que ça prendrait cinq nuits ou six jours de voyage pour atteindre son
village.
Durant la nuit du 10 au 11 septembre, deux chevaux
s’égarèrent et ne furent pas retrouvés avant 3:00 p.m. Ce délai coûta cher à
l'expédition; l’indien qui s’était porté volontaire pour guider l’expédition à
son peuple, s’impatienta et repartit. Le
lendemain, c’était au tour du cheval de Lewis de s’égarer. Celui-ci resta en
arrière pour le chercher tandis que Clark continua la marche avec les
hommes. Clark attendit Lewis sur les
lieux de sources chaudes (aujourd’hui, Lolo Hot Springs). Si les informations
de l’indien étaient exactes et si le chemin continuait à être aussi nivelé et
large, dans quatre jours l’expédition aurait traversé les Bitterroots.
Mais le 14 septembre, il plut, grêla et neigea. Pire encore,
Old Toby se perdit. Le sentier des Nez Percés suivait la ligne de crête, au
nord de la rivière Kooskooskee, mais Old Toby conduisit les hommes plus bas, à
un camp de pêche sur la rivière. Les indiens avaient campé là récemment et leurs
chevaux avaient mangé tout l’herbe; malchance pour l’expédition. Le chemin
était extrêmement mauvais, jonché d’arbres morts. Le temps que les hommes
établissent leur camp, eux-mêmes et leurs chevaux étaient exténués et affamés.
Comme les chasseurs n’avaient pas été chanceux, ils durent tuer un poulain pour
se nourrir.
Le 15 septembre, l’expédition continua à suivre la rivière
Kooskooskee pendant quatre milles, où Old Toby reconnut son erreur et dirigea
les hommes vers le côté nord de la rivière, en direction de la ligne de la
crête. La montée était très raide et encore une fois jonchée d’arbres morts.
Plusieurs chevaux glissèrent et tombèrent. Quand l’expédition atteignit la
ligne de crête, il n’y avait pas d’eau; les hommes utilisèrent la neige et
firent de la soupe avec les restants du poulain tué le jour précédent.
Le 16 septembre fut le pire jour pour l’expédition. Il
commença à neiger trois heures avant l’aube et continua ainsi toute la journée,
amoncelant une épaisse couche de neige. Clark marchait en avant pour trouver le
sentier. Au passage, la neige qui recouvrait les pins tombaient sur les hommes.
Dans son journal, Clark a écrit « J’ai été mouillé et j’ai eu froid dans
toutes les parties de mon corps, comme je n’ai jamais été dans ma vie. »
L’expédition avança de 13 milles cette journée-là. Les capitaines ordonnèrent
qu’un second poulain soit tué pour le repas du soir.
Les chevaux, presque morts de faim, s’évadèrent durant la
nuit, à la recherche d’herbe. Cela prit aux hommes tout l’avant-midi pour les
ramener; l’expédition put finalement repartir vers 1:00 p.m. Ils campèrent dix
milles plus loin. Pour souper, un autre poulain
fut tué; c’était le dernier du troupeau.
Le matin suivant, les capitaines décidèrent que Clark et six chasseurs
iraient de l’avant pour chasser et envoyer des provisions à l’expédition qui
suivrait sous les ordres de Lewis.
Les membres de l'Expédition à Lolo Pass |
A la première lueur du jour, le 18 septembre, Clark partit
avec ses chasseurs, tandis que Lewis quitta vers 8:30 a.m. Il marcha 18 milles et campa près d’une montagne
abrupte. Les hommes se partagèrent une maigre portion de soupe en boîte. Le
matin suivant, l’expédition se mit en route au lever du soleil. Six milles plus
loin, la crête se termina (aujourd’hui Sherman Peak) et ils découvrirent une
large prairie s’étendant vers le sud-ouest. Il y avait une fin aux montagnes,
après tout !
Lewis pressa le pas. Le chemin était excessivement
dangereux, étant seulement un étroit sentier de roches sur le côté d’un profond
précipice. Tard dans l’après-midi, un
cheval tomba et roula avec sa charge à dix mètres près d’un ruisseau. Les
hommes pensaient tous que le cheval était mort mais, à leur grand étonnement,
quand sa charge fut enlevée de son dos, il se releva à peine blessé.
Le jour suivant, au bout de deux milles de marche, Lewis eut
une agréable surprise. Clark avait rencontré un cheval, l’avait tué et suspendu
la viande pour eux. Les hommes prirent un copieux repas qui remplit enfin leurs
estomacs affamés. Tout en mangeant, Lewis réalisa qu’il manquait un des
chevaux. Celui-ci transportait des articles de grande valeur pour lui, ses
vêtements d’hiver. Il envoya le soldat Lepage à sa recherche qui ne le trouva
pas. Il envoya ensuite deux de ses
meilleurs hommes à sa recherche et continua sa route. Ce soir-là les hommes finirent de manger le
cheval que Clark leur avait fourni. Ce n’était pas beaucoup, mais autour du
feu, gelé, affamé, épuisé et misérable, Lewis trouva l’énergie pour écrire des
notes scientifiques dans son journal, décrivant la faune et la flore
rencontrées les derniers jours.
Le 21 septembre, Lewis ne put repartir avant 11:00 a.m.
parce que les chevaux devaient être regroupés et le cheval égaré avec ses
vêtements être ramené. Après avoir
parcouru cinq milles, Lewis arrivant au camp de Clark que celui-ci avait
surnommé « Hungry Creek, parce qu’à cet endroit nous n’avions rien à
manger. » Six milles plus loin, Lewis arriva à un endroit plat où il y
avait suffisamment de nourriture pour les animaux et décida de camper là. Les chasseurs tuèrent quelques perdrix et
Lewis un coyote lesquels avec quelques écrevisses fournirent un bon repas aux
hommes.
Le lendemain matin, ils rencontrèrent le soldat Field, un
membre de l’équipe de Clark, envoyé rejoindre Lewis avec quelques poissons
séchés et des racines obtenus des Nez Percés.
Field dit qu’il y avait un village indien sept milles plus loin. Clark
avait établi un contact amical avec eux et avait pu obtenir de la nourriture. C’était
d’excellentes nouvelles et les poissons et les racines purent satisfaire leurs
appétits. Après avoir mangé, l’équipe de
Lewis se rendit au village indien. L’expédition avait parcouru 160 milles
depuis Traveler’s Rest, onze jours plus tôt. C’était une des plus grandes
marches forcées de l’histoire de l’Amérique.
Un leadership exceptionnel avait rendu possible le triomphe sur les
Montagnes Rocheuses. Lewis et Clark avaient soudé le corps expéditionnaire en
une famille solide et superbement disciplinée et avaient réussi à garder le
moral de leur troupe.
Clark s’était rendu au village indien suivant pour obtenir
plus d’informations des Nez Percés et revint en soirée. Il informa Lewis que
ses chasseurs avaient été très malades à manger trop de racines et avertit les
hommes de ne pas en manger trop.
Clark était accompagné par Twisted Hair, un chef Nez Percé
dans la mi-soixantaine qu’il décrivit comme étant joyeux et sincère. Clark
était le premier homme blanc que la plupart des Nez Percés rencontraient. Clark informa Lewis qu’il y avait deux
villages dans la région et que les femmes indiennes récoltaient une grande
quantité de racines de camas avec lesquelles elles fabriquaient une sorte de
pain. Il dit aussi que Twisted Hair lui avait tracé, sur une peau de cerf, la
carte de la région à l’ouest. Twisted
Hair leur indiqua que le ruisseau près du village se déversait dans la rivière
Clearwater qui était rejointe par une rivière venant du nord-est et ensuite
coulait vers l’ouest pour rejoindre le fleuve Columbia. Le voyage pour se
rendre au Columbia prenait 5 jours et celui pour se rendre aux chutes du
Columbia un autre 5 jours.
Au bout de deux jours, les Nez Percés indiquèrent qu’ils ne
nourriraient plus les membres de l’Expédition gratuitement. Les capitaines
échangèrent quelques articles de leurs bagages pour des racines, des baies et
des poissons séchés.
Les avertissements de Clark à l’effet de ne pas trop manger
de racines étaient plus faciles à donner qu’à suivre. Les hommes s’en gorgèrent et furent malades,
Lewis particulièrement. La plupart furent malades durant une semaine, la
dysenterie causant de graves diarrhées et vomissements. Clark leur donna des
« Rush’s Pills » qui étaient en réalité un puissant laxatif inventé
par un certain Dr. Rush, ce qui était probablement la pire chose qu’il pouvait
faire. Le jour suivant, 24 septembre, Lewis était tellement malade qu’il
pouvait à peine chevaucher sur un cheval gentil… Plusieurs hommes étaient en si
mauvais état qu’ils devaient parfois s’étendre sur le bord de la route. Mais
Clark était persistent et distribuait plus de « Rush’s Pills ». La
maladie était probablement le résultat du changement d’alimentation, allant
d’exclusivement de viande à uniquement de racines et de poissons séchés. Des
bactéries sur le saumon peuvent avoir aussi contribué. Ce n’est pas avant le 30
septembre que Clark rapporta dans son
journal que les hommes récupéraient un peu.
Comme les Shoshones, les Nez Percés avaient eu peu de
contact avec les blancs. Ils n’avaient qu’un ou deux vieux fusils en mauvais
état. Ils étaient constamment harcelés par leurs voisins qui avaient des armes,
spécialement les Blackfeet, lorsqu’ils partaient pour leur voyage annuel
au-dessus des montagnes vers le pays des bisons. Selon leur histoire orale, quand ils
rencontrèrent Clark et ses six chasseurs, ils envisagèrent de les tuer pour se
procurer leurs armes. Ils en furent dissuadés par une femme nommée Watkuweis
(signifiant « Revenue d’un pays lointain »). Elle avait été capturée
par les Blackfeet six ou sept ans auparavant, amenée au Canada et vendue à un
trappeur blanc. Elle vécut avec lui pendant quelques années avant de trouver
moyen de revenir chez elle. Les trappeurs la traitèrent beaucoup mieux que les
Blackfeet, ainsi lorsque Clark arriva, elle dit aux guerriers, « Les
hommes blancs m’ont aidé, ne leur faites pas de mal ».
Pendant la semaine où Lewis fut malade, Clark déménagea le
camp à la jonction de la fourche nord et de la fourche du milieu de la rivière
Clearwater où il y avait des pins ponderosa suffisamment gros pour construire
des canots. Clark recourut à la méthode
indienne pour les fabriquer. Au lieu de tailler les troncs, il les plaça
au-dessus d’une tranchée couverte de feux brûlant lentement. Twisted Hair lui
montra comment les fabriquer. En dix jours, Clark avait construit 1 petit et 4
grands canots.
Le 6 octobre, les canots étaient terminés. Clark fabriqua
une cache pour les selles des chevaux et un contenant de poudre. Les canots
furent mis à l’eau et chargés. A 3:00 p.m. l’équipage partait. Le courant était rapide et il y avait de
nombreux rapides. Une fois encore, l’expédition voguait sur l’eau et cette
fois-ci dans le sens du courant (en aval), en route vers le Pacifique.
Très belles photos des rafteurs ainsi que celles de Serge et toi.
RépondreEffacerIl pleut enfin ici! Le sol en avait besoin. Les nuits sont très douces et mes semis peuvent maintenant passer la nuit dehors!
Bonne semaine!
Louise E. B.