jeudi 26 mai 2016

24, 25 mai – Glacier National Park (Montana)

Mardi, avant de quitter Great Falls, nous nous rendons au « Lewis & Clark Interpretive Center » sur le bord de la rivière Missouri.  S’il y a un centre d’interprétation à visiter, c’est bien celui-là.  Il relate les 26 mois de l’Expédition avec beaucoup d’artefacts et la présentation de deux films.  Nous avons assisté au film « Portage at Great Falls » et l’avons même acheté, tellement il est bien fait.

En lisant le livre « Undounted Courage », je me suis souvent demandée comment ils avaient fait pour mesurer les distances car ils étaient très précis dans leur récit. J’ai finalement appris qu’ils utilisaient une chaîne d’arpenteur de 33 pieds de long, appelée « Two Pole ». 160 fois la chaîne de 33 pieds équivalait à un mille. 

La chaîne d'arpenteur de Lewis 
Et que dire du transport des canots et de tout le matériel dans le portage de 18 milles le long des cinq chutes du Missouri!  N’oublions pas qu’ils utilisaient des canots creusés dans des troncs d’arbres et qu’ils avaient fabriqué des roues en bois pour les monter à bout de bras. On peut comprendre pourquoi Lewis a tant voulu acheter un canot côtier, fabriqué par les indiens chinooks sur les côtes du Pacifique, pour son voyage de retour.  

Le canot des chinooks
Nous ne pouvions pas quitter la ville de Great Falls sans aller voir la plus grosse chute, plus à l’est, du côté nord de la rivière. En regardant les murs de rochers de chaque côté de la rivière, nous imaginions ces hommes suant et forçant pour accomplir la difficile tâche du portage des cinq chutes qui dura deux semaines. 

Une des cinq chutes

Les Grandes Chutes
Après un arrêt au Walmart pour faire des provisions pour les trois prochaines journées, nous prenons la route pour nous rendre à Glacier National Park, près de la frontière canadienne en Alberta.  La cime des montagnes est encore enneigée et les rangers nous confirment que la route Going-to-the-Sun qui traverse le parc d’est en ouest est encore fermée à Logan Pass. Mercredi nous ferons donc le détour de 162 milles par la route 2 qui contourne le parc. Nous nous installons pour la nuit au St. Mary Campground, un très beau camping primitif au début du parc.  Glacier Park porte bien son nom, les nuits sont froides. Nous dormons le toit du véhicule baissé et la chaufferette à essence du véhicule nous tient au chaud. Même petit, Oscar nous sert bien, autant pour préparer les repas que pour dormir et nous divertir. En soirée, nous avons écouté la première émission de « Déjà dimanche ». J’ai pitié  pour les jeunes autour de nous qui campent sous la tente, cuisinent et mangent dehors. Pas surprenant qu’ils portent des manteaux d’hiver et des tuques.

Mercredi matin, nous reprenons la route Going-to-the-Sun vers l’ouest, pendant 21 kilomètres, jusqu’à ce qu’une barrière nous indique que la route est fermée à  Jackson Glacier Overlook. Mais ce court trajet valait la peine d’être fait, tellement les paysages sont grandioses. Sur la route, nous rencontrons un groupe de mennonites originaires de l’Indiana.  L’une d’elles est née à St. Jacobs en Ontario, là où une grande communauté de mennonites vivent. 

Going-to-the-Sun Road

A Jackson Glacier Overlook

Les Mennonites à Glacier National Park

La photographe protographiée
Puis, nous sortons du parc et le contournons par le sud. Sur la carte routière, la route 49 semble plus courte mais assez sinueuse, alors nous la prenons. Pour être sinueuse, elle l’est, et en plus, accrochée au flanc des montagnes. Et j’ai eu peur, suppliant Serge d’aller moins vite et lui, répétant qu’il n’allait pas vite. Vers 14h00, nous arrivons à l’entrée de West Glacier avec l’intention d’aller nous installer au camping Fish Creek, puis de reprendre la route  Going-to-the Sun qui longe le magnifique lac McDonald vers le nord-est, jusqu’à ce qu’une barrière nous indique que la route est fermée. Vite nous déchantons car le ranger nous apprend que la route est inondée quelques kilomètres plus loin et qu’en plus le camping Fish Creek est encore fermé. Seulement le camping à Apgar Village est ouvert. Nous nous y installons puis nous nous rendons à pied au village où c’est bien tranquille. Les canots, les kayaks et vélos attendent bien sagement les visiteurs qui devraient affluer en fin de semaine pour le long congé du Memorial Day. De retour au camping, nous profitons du temps doux et du soleil à ne rien faire, sauf regarder les petits chevreuils qui viennent brouter tout autour, trouvant notre herbe bien savoureuse.  Nous écourterons notre séjour à Glacier National Park et repartirons jeudi matin. 

Sur le bord du lac McDonald

Un visiteur au camping
A la recherche des Shoshones 15 juillet au 12 août 1805
Les capitaines avaient hâte de rencontrer les Shoshones. Les moustiques étaient une vraie plaie et les petits cactus-poires toujours aussi douloureux pour les pieds, mais les deux dernières semaines de juillet procurèrent à Lewis beaucoup de joie. Il était émerveillé par tout ce qu’il voyait, les nouveaux oiseaux et animaux ainsi que les montagnes et les vallées de l’ouest.  La plupart du temps, il marchait le long de la rive avec deux soldats, en partie pour alléger les canots mais surtout parce qu’il aimait marcher dans ce nouveau pays.  Il trouvait même moyen de dire quelques choses de bien au sujet des cactus-poires qui étaient maintenant en pleine floraison et d’une grande beauté.

En vue de leurs rencontres avec les Shoshones, les capitaines décidèrent que l’un deux partirait à pied avec un groupe d’hommes à leur recherche, afin d’être en avance sur les canots. Ils craignaient que le bruit des fusils des chasseurs apeure les indiens qui croiraient qu’il s’agit de leurs ennemis les Blackfeet. Le matin du 19 juillet, Clark partit à pied tandis que Lewis conduisit les canots sur la rivière. Les canots avançaient difficilement en utilisant les cordes pour les tirer, les bâtons ou les rames. De plus, il faisait une chaleur suffocante entre les falaises d’une hauteur de 1200 pieds de chaque côté de la rivière.

Un matin, comme la flottille ramait pour sortir d’un canyon, une colonne de fumée apparut dans le ciel, suffisamment grosse pour avoir été allumée délibérément.  Sûrement qu’un indien Shoshone avait entendu un coup de feu des chasseurs et avait mis le feu à l’herbe pour avertir les autres membres de sa tribu.  Le lendemain, la flottille entra dans une magnifique et immense plaine de 10 à 12 milles de large, bordée de chaque côté par de hautes montagnes.  Ils étaient près de Last Chance Gulch, aujourd’hui à Helena au Montana.

Le 22 juillet, comme les montagnes commencèrent à se rapprocher, Sacagawea reconnut cette section de la rivière. Elle était venue là quand elle était enfant; c’était l’endroit où les Shoshones vivaient durant l’été.  En fin d’après-midi, la flottille rejoignit Clark qui avait établi son camp à la droite de la rivière. Il n’avait trouvé aucun indien mais il avait vu des signes qu’ils étaient présents. Pour leur signifier qu’ils n’étaient pas des ennemis, il avait laissé des présents sur place.  Le plus inquiétant était la condition physique de Clark. Ses pieds étaient à la chair vive, déchirés par les cactus-poires. Après avoir pris une journée de repos, Clark insista pour repartir à pied avec quatre hommes pour une autre journée à chercher les Shoshones. Sacagawea avait enseigné quelques mots Shoshone à Clark, dont « tab-ba-bone » qui voulait dire approximativement « homme blanc ».  En vérité, les Shoshones n’avaient aucun mot pour « homme blanc », n’en ayant jamais rencontré. Ce mot pouvait dire « étranger ». Pourquoi ni Clark ni Lewis ne demandèrent-ils pas à Sacagawea de les accompagner dans leurs recherches ? Ils croyaient probablement qu’ils avaient besoin d’elle seulement en qualité d’interprète pour négocier l’achat de chevaux et non pour établir le contact. Si c’est le cas, ils ont fait preuve de chauvinisme au lieu d’utiliser leur bon sens.

Clark repartit le matin suivant, toujours à la recherche des indiens. Les conditions sur la rivière étaient difficiles et les hommes se plaignaient d’être très fatigués et de leur labeur extrême.  Le 27 juillet, alors que les hommes avançaient lentement, en raison du courant rapide, malgré leurs efforts extrêmes, ils commencèrent à ralentir ayant atteint leurs limites physiques.  Heureusement, la bonne fortune leur souriait. Juste dans un tournant de la rivière, ils arrivèrent à la jonction d’une rivière, puis un quart de mille plus loin, à la jonction de deux autres rivières. C’était les « Three Forks «  du Missouri.  La flottille mit pied à terre et pendant que les hommes se reposaient, Lewis grimpa sur une haute falaise du haut de laquelle il avait une vue spectaculaire sur toute la région.  Encore aujourd’hui, si on se tient au même endroit, on a une vue superbe malgré l’intrusion des autoroutes 90 et 287 et on voit la petite ville de Three Forks quelques milles plus loin.

Après déjeuner, la flottille continua en amont jusqu’à la jonction de la fourche du milieu et celle du sud-ouest.  Lewis trouva une note de Clark fixé à un arbre lui disant de suivre la fourche allant vers le sud-ouest et qu’il le rejoindrait à cette jonction s’il ne trouvait pas les indiens. Clark revint au camp vers 3 :00 p.m.  Il était extrêmement malade et complètement épuisé.  Il avait été malade toute la nuit avec une forte fièvre, des frissons et des douleurs musculaires constantes.  Les capitaines commençaient à désespérer de trouver les Shoshones car sans les chevaux des indiens et leurs informations, l’expédition devrait rebrousser chemin et retourner à St. Louis.  L’expédition passa deux jours à Three Forks, les hommes fabriquant des vêtements et chassant, pendant que Lewis procédait à des observations astronomiques et que Clark récupérait.  Sacagawea informa les capitaines que le camp était à l’endroit précis où les Shoshones avaient campé cinq ans plus tôt et avaient été attaqués par les Hidatsas.

Au cours de la semaine suivante, ce fut au tour de Lewis et ses hommes de marcher devant les canots.  Ils arrivèrent à la jonction des rivières Wisdom et Jefferson. Laquelle prendre ? Lewis choisit la Jefferson. Il laissa une note à Clark lui disant de prendre la Jefferson avec les canots s’il arrivait à la jonction avant le retour de Lewis parti pour deux jours.

 Deux jours plus tard, le 6 août, Lewis revint au point de rencontre sans nouvelles des Shoshones. Il entendit le bruit de canots venant de la gauche.  Il trouva Clark et les canots sur la rivière Wisdom. Ils étaient dans un état pitoyable. Un canot avait renversé et tous les bagages étaient mouillés, incluant la boîte de médicaments. Deux autres canots étaient remplis d’eau.  Pourquoi Clark était-il allé sur la Wisdom ? N’avait-il pas vu la note de Lewis? Et bien, non.  Il est possible qu’un castor passant par-là ait coupé l’arbre, emportant la note avec lui. La journée fut consacrée à examiner, sécher et réarranger les provisions. 

Une autre inquiétude, Clark avait envoyé le soldat Shannon à la chasse et il n’était toujours pas de retour. Le 7 août, les capitaines décidèrent de laisser un canot dans une cache étant donné la diminution des provisions. L’équipage était devenu un hôpital mobile. Clark avait développé une tumeur sur sa cheville qui était enflée et douloureuse, Gass, Charbonneau et cinq autres hommes souffraient de différentes indispositions.  Mais cet après-midi-là, Sacagawea leur redonna de l’espoir.  Elle reconnut une haute plaine qui n’était pas très loin de la retraite d’été de sa nation sur une rivière au-delà des montagnes à l’ouest. Les Shoshones appelaient cet endroit « Beaver’s Head » à cause de sa forme. Elle les assura qu’ils trouveraient son peuple sur la rivière ou tout près. 

Lewis partit à pied avec quelques hommes pour localiser les indiens.  Le matin du 9 août, Shannon revint au camp de Lewis avec trois peaux de cerfs et une bonne histoire à raconter. Pendant deux jours, Lewis et ses hommes suivirent un vieux chemin indien qui ne les mena nulle part.  Lewis réunit ses hommes et leur expliqua son plan. Drouillard partirait vers la droite, Shields vers la gauche et McNeal resterait avec lui. Si Drouillard ou Shields trouvait le chemin des indiens, il placerait son chapeau au bout de son fusil et le tiendrait en l’air.  Ils marchèrent pendant cinq milles. Aucun signe des indiens. Soudain Lewis plissa des yeux, regarda encore, sortit sa longue vue et vit, sans l’ombre d’un doute, un indien sur un cheval noir à deux milles de distance, venant vers eux. Son costume était celui des Shoshones. Lewis avança à son pas habituel. L’indien continua à avancer mais quand ils étaient à un mille de distance, il s’arrêta.  Lewis fit de même et Lewis sortit une couverture de son sac à dos et l’étendit sur le sol, en signe d’amitié. L’indien restait sur sa position en jetant un coup d’œil à droite et à gauche. Lewis comprit qu’il regardait Drouillard et Shields avec suspicion. Bien sûr qu’il était soupçonneux; l’indien était probablement un adolescent envoyé comme éclaireur, curieux au sujet de ces étrangers mais prudent. Lewis sortit les maigres produits d’échanges qu’il avait apportés avec lui, laissa son fusil à McNeal et avança vers l’indien.  Le jeune garçon descendit de son cheval, et demeura aux aguets jusqu’à ce que Lewis soit à 200 verges de lui. A ce moment, l’indien remonta à cheval et commença à s’éloigner lentement. Désespéré, Lewis cria « tab-ba-bone » à plusieurs reprises. Au lieu de répondre à Lewis, l’indien continuait à surveiller Drouillard et Shields qui avançaient. Lewis était furieux contre eux et leur fit signe de s’arrêter. Drouillard le vit et s’arrêta mais Shields ne le vit pas et continua à avancer. A 150 verges, Lewis répéta « tab-ba-bone », et porta au bout de ses bras les cadeaux pour l’échange. A 100 verges de distance, le jeune indien tourna son cheval et partit au gallot. Lewis était mortifié et désappointé et blâmait Shields pour cet échec.

Le matin du 12 août, en suivant un large ruisseau, ils grimpèrent vers un col qui les mena au sommet d’une haute montagne.  Ils étaient les premiers Américains à apercevoir le grand empire de l’Idaho et découvrirent ses immenses chaînes de montagnes aux toits enneigés. C’était la chaîne des Bitterroots des Montagnes Rocheuses.  Lewis était loin dans le territoire indien avec seulement trois hommes et à quatre à cinq jours de marche du reste de l’Expédition. Un jeune indien était retourné dans sa tribu rapporté que des étrangers étaient dans la région. Lewis avait vécu suffisamment d’expérience en une seule journée. Maintenant, il avait besoin d’une bonne nuit de sommeil et beaucoup de chance pour le lendemain matin.

Au-delà de la ligne continentale, 13 au 31 août 1805
Au matin du 13 août, Lewis partit très tôt vers l’ouest, sur un sentier récemment utilisé par les indiens qui descendait dans une vallée.  Neuf milles plus loin, Lewis vit deux femmes indiennes, un homme et quelques chiens. Quand ils furent à un mille d’eux, Lewis ordonna à Drouillard et aux deux soldats de s’arrêter, d’enlever leurs sacs à dos et leurs fusils et de les déposer sur le sol. Il déroula un drapeau et avança seul vers les indiens.  Les femmes se sauvèrent mais l’homme resta sur place jusqu’à ce que Lewis soit à une centaine de verges de distance.  Lewis cria « tab-ba-bone » à plusieurs reprises... L’homme prit la fuite.  

Lewis continua à marcher avec ses hommes et à moins d’un mille de là, ils rencontrèrent trois femmes indiennes.  Au premier abord, Lewis déposa son fusil et avança vers le groupe. L’adolescente s’enfuit en courant mais la vieille femme et l’enfant restèrent. Ne voyant aucune chance de s’échapper, elles s’assirent sur le sol et gardèrent leurs têtes baissées, résignées à mourir.  Lewis s’approcha et prit la vieille femme par la main, l’aida à se relever et dit « tab-ba-bone ». Il lui montra sa peau blanche sous la manche de sa chemise. Drouillard et les soldats se joignirent à eux et sortirent des cadeaux de leurs sacs. La couleur de sa peau, les cadeaux et son attitude amicale suffirent à les calmer.  Lewis leur dit, à travers le langage des signes de Drouillard, qu’il voulait qu’elles les conduisent à leur camp car ils désiraient faire la connaissance des chefs et guerriers de leur tribu.  Elles firent comme Lewis leur avait demandé et ils partirent en suivant les indiennes. 

Au bout de deux milles, la rencontre tant anticipée eut lieu. 60 guerriers, montés sur d’excellents chevaux et armés pour la guerre arrivèrent à toute vitesse. Quand ils virent Lewis et son petit groupe, ils s’arrêtèrent. Lewis posa son fusil à terre, attrapa son drapeau et suivit la vieille femme. Un homme que Lewis supposa être le chef, chevaucha jusqu’à la vieille femme. Elle leur dit qu’ils étaient des hommes blancs et lui montra les cadeaux qu’elle avait reçus. Ceci détendit l’atmosphère et le chef et les guerriers descendirent de leurs chevaux.  Le chef s’avança et dit « ah-hi-e, ah-hi-e », ce qui voulait dire « je suis heureux ». Il mit sons bras gauche sur l’épaule droite de Lewis et appliqua sa joue gauche sur la joue droite de Lewis, tout en continuant à vociférer « ah-hi-e ». Les guerriers et les hommes de Lewis vinrent ensuite et ces derniers furent cajolés et barbouillés de graisse et de peinture jusqu’à ce qu’ils soient fatigués des démonstrations d’affection de la tribu.

La première rencontre entre Shoshones et Américains s’était passée mieux que Lewis avait pu espérer.  Les Shoshones s’attendaient à trouver les Blackfeet et auraient sûrement attaqué sans attendre si ça n’avait été de la vieille femme.   Lewis sortit sa pipe et s’assied, indiquant aux indiens de faire de même. Il l’alluma et la passa  au chef, ensuite il distribua des présents. Lewis apprit que le chef se nommait Cameahwait. Il lui dit que le but de sa visite était amical et que lorsqu’ils atteindraient le camp de sa tribu, il lui expliquerait son expédition plus en détails.  Cameahwait parla à ses guerriers et tous partirent pour le camp. Des jeunes guerriers furent envoyés à l’avance pour informer les autres de préparer leur arrivée. Quand ils atteignirent le camp, sur la rive est de la rivière Lemhi, (environ sept milles au nord de la ville Tendoy en Idaho aujourd’hui), Lewis fut conduit vers un vieux tepee (le seul qui restait à la bande depuis l’attaque des Blackfeet) et s’assit cérémonieusement sur des rameaux verts et des peaux d’antilopes. Il leur expliqua le but de son voyage. Femmes et enfants les entourèrent, désireux de voir ces « Enfants du Grand Esprit ».

Il faisait noir maintenant et Lewis et ses hommes n’avaient pas mangé depuis 24 heures.  Lewis le mentionna à Cameahwait qui lui dit que malheureusement la tribu n’avait rien d’autres que des baies à manger.  Il donna aux hommes blancs quelques gâteaux de petits fruits et de cerises que Lewis qualifia de repas copieux.

Lewis se promena le long de la rivière Lemhi.  Cameahwait lui expliqua qu’à une demi-journée de marche vers le nord, la rivière en rejoignait une autre, deux fois plus large, venant du sud-ouest (aujourd’hui connu comme Salmon River). Il lui dit aussi que le long de cette rivière, il y avait peu d’arbres, qu’elle était confinée entre d’inaccessibles montagnes et qu’il avait été informé qu’il était impossible de se rendre par eau au grand lac où les hommes blancs vivaient (l’océan Pacifique).  Cela confirmait ce que Lewis craignait quand il vit pour la première fois les chaînes Bitterroots du haut du col Lemhi, il n’y avait pas de route entièrement navigable qui traversait le continent. De retour au tepee, un guerrier lui remonta le moral en lui apportant un morceau de saumon fraîchement rôti qu’il savoura. C’était le premier saumon qu’il voyait et cela le convainquit qu’il était bien dans les eaux du Pacifique. 

Lewis devait maintenant laisser le temps à Clark d’atteindre la rivière Jefferson jusqu’à la limite navigable.  Clark progressait seulement de quatre à cinq milles par jour dans cette rivière peu profonde qui n’était pas plus large qu’un ruisseau.  Il envoya Drouillard et les soldats à la chasse. Les indiens leur fournirent des chevaux et quelque vingt jeunes braves les accompagnèrent. Lewis assista avec amusement à une chasse à l’antilope par de jeunes indiens à dos de cheval qui dura deux heures. A leur retour, les chasseurs n’avaient pas tué une seule antilope.

Alors, comment allaient-ils traverser les montagnes ?  C’est par le nord, lui répondit le chef, mais le chemin est vraiment mauvais. Les Nez-Percés, qui traversaient les montagnes chaque année pour aller chasser les bisons à la rivière Missouri, lui avaient dit qu’ils avaient souffert de la faim étant obligés de se nourrir uniquement de petits fruits pendant plusieurs jours. Il n’y avait pas d’animaux dans cette partie des montagnes couvertes d’épaisses forêts et où ils pouvaient à peine passer. Loin de se décourager, Lewis se dit que si des indiens pouvaient traverser ces montagnes avec leurs femmes et enfants, les hommes de l’expédition pouvaient le faire.

Pour convaincre Cameahwait de l’aider avec le portage au-dessus de la ligne continentale et négocier l’achat de chevaux qui pourraient amener l’expédition au-dessus des Bitterroots sur le chemin des Nez-Percés, Lewis lui dit qu’il avait déjà obtenu des Hidatsas la promesse qu’ils n’attaqueraient plus les Shoshones et qu’à leur retour aux États-Unis, les hommes blancs viendraient avec des fusils en abondance et autres articles nécessaires pour leur défense et leur confort.  Cette promesse avait un futur incertain, mais il la fit quand même.

Lewis dit à Cameahwait qu’il voulait que sa tribu traverse le col Lemhi avec lui le lendemain matin, apportant trente chevaux, pour rencontrer Clark et ses hommes à la fourche de la rivière Jefferson et les aider à rapporter le bagage au-dessus du col jusqu’au camp indien où ils resteraient quelques jours pour négocier l’achat des chevaux.  Cameahwait accepta.

Le matin du 15 août, Lewis se réveilla avec une faim de loup. La veille, il n’avait mangé qu’un maigre repas de farine et de baies. Il lui restait deux livres de farine. Il demanda à McNeal de diviser la farine en deux parties et de cuisiner la moitié avec des baies. Les quatre hommes déjeunèrent avec appétit et en donnèrent une bonne partie au chef qui déclara que c’était la meilleure chose qu’il ait goûtée depuis longtemps.

Après le déjeuner, il y eut une crise.  Les guerriers ne voulaient pas bouger malgré les exhortations de leur chef. Ils ne faisaient toujours pas confiance aux hommes blancs, craignant une embuscade d’une tribu ennemie.  Cameahwait monta sur son cheval et dit qu’il espérait qu’au moins quelques guerriers se joindraient à lui pour accompagner les hommes blancs; six guerriers montèrent sur leurs chevaux. Quelques temps après, six autres guerriers et trois femmes se joignirent à eux.

Ils traversèrent le col Lemhi et descendirent à la crique Shoshone où ils campèrent et prirent leur deuxième repas de la journée, utilisant le reste de la farine mélangée avec un peu d’eau bouillante. Les Shoshones, sauf le chef et un guerrier, n’eurent rien à manger ce jour-là.

Le matin suivant, le 16 août, Lewis envoya Drouillard et Shields à la chasse. Quand un éclaireur revint, à bout de souffle, il avait une bonne nouvelle. Drouillard avait tué un cerf. En un instant tous les indiens partirent au galop, ayant peur de manquer une partie du festin. En arrivant sur le lieu, Lewis eut pitié de ces pauvres indiens affamés qui mangeaient voracement les parties crues que Drouillard rejetait, gardant uniquement la viande. Lewis garda un quart de la viande pour lui et ses hommes et donna le reste au chef pour le partager avec son peuple. Ceux-ci ne prirent même pas le temps de partir un feu pour cuire la viande et la dévorèrent telle quelle.

Quand Lewis arriva à la fourche des rivières, il découvrit avec mortification que Clark n’était pas encore arrivé. Comment allait-il convaincre les indiens d’attendre son arrivée ? Désespéré, il donna son fusil à Cameahwait et lui dit que si les Blackfeet étaient autour, il pourrait l’utiliser pour se défendre.  Les guerriers n’étaient pas satisfaits et voulaient repartir trouvant la situation trop dangereuse. Pour retenir les Shoshones, Lewis leur dit que Sacagawea était avec Clark et qu’il y avait aussi un homme noir avec des cheveux courts frisés. Les indiens se montrèrent intéressés de voir une telle curiosité.

Le lendemain matin, un indien rapporta que les hommes blancs arrivaient. Les Shoshones étaient transportés de joie autant que Lewis.  Quand Clark arriva avec Sacagawea et Charbonneau, Cameahwait lui donna l’accolade nationale et décora ses cheveux de coquillages. Au milieu de l’excitation générale, une des femmes Shoshones reconnut Sacagawea. Son nom, Jumping Fish, lui avait été donné le jour où Sacagawea avait été faite prisonnière, parce qu’elle avait sauté à l’eau pour échapper aux Hidatsas.  Les deux adolescentes s’embrassèrent, pleurèrent et parlèrent en même temps. Quand elles furent calmées, ils se rendirent tous au camp pour tenir une conférence. A peine avaient-ils commencé à parler que Sacagawea se mit à dévisager Cameahwait.  Soudainement, elle reconnut son frère. Elle courut vers lui, l’embrassa et jeta sa couverture par-dessus lui en pleurant abondamment. Quel coup de chance c’était !  Aucun romancier n’aurait osé inventer une telle scène.

Quand Sacagawea se remit de ses émotions, le conseil commença. Les capitaines expliquèrent plus en détails ce qui les amenait dans cette partie du pays et qu’ils ne pourraient pas l’accomplir sans l’aide des Shoshones pour les guider jusqu’au sentier des Nez-Percés et sans l’aide de leurs chevaux.  Cameahwait répondit qu’il était prêt à les aider mais qu’il n’avait pas suffisamment de chevaux pour transporter les bagages au-dessus du col Lemhi. Il devait retourner au village et encourager sa tribu à venir les aider. Les capitaines étaient satisfaits et, en vérité, ils n’avaient pas espéré autant de coopération.

Bien que Clark estimait que Cameahwait était un homme sincère et plein de bon sens, il voulait voir par lui-même la route par la rivière Salmon, avant d’accepter la description alarmante de Cameahwait.  Il fut entendu que le matin suivant Clark partirait avec onze hommes transportant des haches et les autres outils nécessaires pour construire des canots. Si Clark trouvait la rivière navigable, il construirait les canots. Pendant ce temps, Lewis conduirait les 18 membres de l’équipe et les bagages jusqu’à la rivière Lemhi. Il pensait que cela leur prendrait une semaine au plus, donnant suffisamment de temps à Clark pour faire sa reconnaissance et déterminer si l’expédition procéderait par terre ou par eau.

Lewis passa six jours au Camp Fortunate. Le 22 août, Cameahwait, Charbonneau, Sacagawea et 50 Shoshones  accompagnés de femmes et d’enfants arrivèrent au camp. Cameahwait demanda qu’ils restent tous  encore une journée pour qu’ainsi une bande d’indiens amis puissent se joindre à eux.  Les Shoshones se réunissaient pour leur excursion annuelle dans les plaines des bisons.

Au matin du 24 août, Lewis était à nouveau en route, cette fois-ci avec 18 de ses hommes, Charbonneau, Sacagawea et Drouillard, neuf chevaux et mules et la bande de Cameahwait. Il donna à Charbonneau quelques articles pour négocier un cheval pour Sacagawea. Il était heureux parce qu’il avait la satisfaction de se retrouver une fois encore avec toute son équipe et ses bagages.

La joie de Lewis ne dura pas longtemps. Le 25 août, quand les chasseurs revinrent de la chasse, Charbonneau lui mentionna que Sacagawea avait entendu Cameahwait dire à quelques jeunes indiens d’informer la bande de le rejoindre le jour suivant, pour qu’ainsi la bande puisse partir pour la rivière Missouri.  Si cela arrivait, Lewis et ses hommes seraient laissés seuls, à mi-chemin du col Lemhi, avec seulement une douzaine de chevaux et sans guides pour se rendre au sentier des Nez-Percés.

Alors, Lewis appela Cameahwait et deux petits chefs pour fumer et parler. Il leur rappela qu’ils avaient promis de l’assister avec les bagages jusqu’à leur camp, ce qu’ils acquiescèrent. Alors, pourquoi se préparaient-ils à l’abandonner pour se rendre au pays des bisons ? Les indiens hochèrent la tête. Cameahwait resta silencieux quelque temps. A la fin, il lui dit qu’il avait eu tort mais qu’il avait été amené à prendre cette mesure à la vue de son peuple si affamé, mais comme il avait promis d’accorder son assistance, il respecterait sa parole. Son peuple mourait de faim. Le pays des bisons était à peine à un jour de marche. Les autres bandes Shoshones rencontraient déjà les villages des Flatheads pour aller à la chasse.

Lewis réalisa que les Shoshones avaient besoin de manger. Dans l’après-midi, le groupe marcha presque jusqu’au col. Les chasseurs rapportèrent un seul cerf. Lewis ordonna de distribuer la viande aux femmes et aux enfants et resta lui-même sans souper.

A l’aube du 26 août, la température était au point de congélation. Durant la marche, au cours de la journée, Lewis vit les femmes indiennes cueillir des racines et nourrir leurs enfants affamés. C’était bouleversant d’assister à cette misère.  En soirée, Lewis, ses hommes et tous leurs bagages arrivèrent au camp de Lemhi River. Le soldat Colter était déjà là avec une lettre de Clark dans laquelle il décrivait la rivière Salmon comme impassable.  Lewis n’était pas surpris. Le lendemain matin, il dit à Cameahwait qu’il voulait acheter 20 autres chevaux.  Le chef lui fit remarquer que son peuple avait perdu un grand nombre de chevaux lors de l’attaque des Blackfeet, mais qu’il verrait ce qu’il pouvait faire. Il lui dit aussi que le vieil homme qui avait traversé une fois les montagnes avec les Nez-Percés accepterait de leur servir de guide.

Les indiens étaient prêts à vendre mais le prix avait augmenté considérablement.  Le 29 août, Clark dut offrir son pistolet, son couteau et une centaine de balles pour un cheval. Finalement, les capitaines achetèrent 29 chevaux mais, les Shoshones se montrèrent de meilleurs commerçants que les Américains. Quand Clark examina les chevaux dans le coral, il découvrit qu’ils souffraient presque tous de maux de dos et plusieurs étaient maigres et jeunes. Les capitaines avaient acheté les pires chevaux du troupeau Shoshone.

Les Shoshones décrits selon Lewis
Si les Shoshones étaient fascinés par les hommes blancs et leur équipement, Lewis n’était pas moins fasciné par eux. Le plus grand changement que l’homme blanc ait apporté à la vie des Shoshones fut l’introduction du cheval, apporté dans le Nouveau Monde par les Espagnols. En deuxième lieu, ce fut les fusils fournis par les Anglais et les français à leurs partenaires de commerce des plaines, les Blackfeet, les Hidatsas et autres. Comme l’a exprimé de façon si émouvante Cameahwait, le commerce des armes avec les ennemis des Shoshones mit son peuple dans une situation terriblement désavantageuse et réglait leur vie. Ils devaient obtenir leur nourriture au péril de leur vie et se retrancher rapidement dans les montagnes.

Physiquement, les Shoshones étaient petits et leur peau était plus foncée que celle des Hidatsas ou les Mandans. Pour ce qui est de leur comportement, malgré leur extrême pauvreté, ils étaient gais, francs, communicatifs, généreux avec le peu qu’ils possédaient et honnêtes. 

Pour ce qui est des relations entre les sexes, l’homme était le seul propriétaire de ses femmes et ses filles. Il pouvait échanger ou disposer de l’une d’elles comme il voulait. La plupart des hommes avaient deux ou trois femmes, habituellement achetées quand elles étaient enfants pour des chevaux ou des mules. A l’âge de 13 ou 14 ans, les filles étaient remises à leur propriétaire et mari.

Sacagawea avait été vendue avant d’être faite prisonnière et son fiancé était encore vivant et membre de la tribu. Il était dans la trentaine et avaient deux autres femmes. Il réclama Sacagawea comme sa femme, mais comme elle avait eu un enfant d’un autre homme, il ne la voulait plus. Lewis nota, avec désapprobation, que les Shoshones traitaient leurs femmes avec peu de respect et les contraignaient à exécuter un grand nombre de corvées, souvent très exigeantes physiquement.   

Leurs costumes de cérémonie étaient des plus élégants que Lewis ait jamais vus.  Leur matériel pour préparer la nourriture était primitif.  Ils n’avaient pas de haches pour couper le bois; ils utilisaient des pierres ou des cornes de cerfs. Leurs ustensiles consistaient en des jarres de terre et des cornes de bisons comme cuillères.

Ce que les Shoshones appréciaient avant tout et dont ils dépendaient absolument était la bravoure de leurs jeunes hommes. L’éducation des enfants était conçue pour produire de braves guerriers. Ils corrigeaient rarement leurs enfants, particulièrement les garçons qui devenaient tôt responsables de leurs propres actes.


En politique, ils ne suivaient pas les aînés mais les hommes les plus braves. Comme la bravoure était la plus grande vertu, aucun homme ne pouvait devenir important parmi les Shoshones s’il n’avait pas à un moment de sa vie fait preuve de bravoure. 

5 commentaires:

  1. Magnifiques paysages des glaciers et mennonites(surprenant qu'ils se laissent photographier car ceux de l'Ontario ne voulaient absolument pas)...

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    1. Quand ils sont en voyage, ils sont moins timides. Seulement les hommes nous parlent

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  2. Portage de deux semaines ? Est-ce que j'ai bien compris ? On pourra pas se plaindre de nos portages d'une demi heure. Eeek! Mona

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  3. Ça me rappelle du voyage que Thierry et moi ont fait il y a longtemps. Le camping au Glacier National Park en Colombie Britannique demeure un des mes sites préféré, entouré par les montagnes avec un ruisseau en face de notre site. Tellement beau ! Mona

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  4. Nous aussi n'avons pu traverser Glacier N.P. par la route Going to the sun vers l'est. Il y avait eu une grosse tempête de neige enterrant le chalet jusqu'au toit et on était à la fin de juin. On a fait le tour et rejoint Simon au camping à l'ouest. Louise

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