samedi 21 mai 2016

20 mai – Fort Abraham Lincoln State Park (North Dakota)

Nous partons tôt ce matin (8h00). Trudell doit encore dormir dans sa tente et, je pense qu’il ne sera pas au travail à 9h00 ce matin.  A 11h30 hier soir, il est venu cogner à notre porte.  Il voulait emprunter notre téléphone pour appeler un taxi. Il était ivre et incohérent. Il avait de la difficulté à signaler le numéro et répétait continuellement « I’m sorry … ». Nous avons compris qu’il avait un problème de boisson, ce qui explique qu’à 50 ans, après 6 ans dans l’armée, il végète de ville en ville et d’emploi à emploi. 
 
Serge et Trudell à son meilleur
Nous prenons la direction nord par la route 83 et pendant 350 kilomètres, tout ce que nous voyons c’est d’immenses plaines de cultures et quelques rares vaches.  Nous arrivons à Fort Abraham Lincoln State Park, à Mandan, à 12h30.  C’est vendredi, donc le début de la fin de semaine et le camping est très occupé.  Les pick-ups et fifth-wheels arrivent un après l’autre. Comme nous restons une seule nuit, nous avons la chance d’obtenir un beau site près de la rivière.

On peut camper dans des tipis à Fort Abraham Lincoln State Park
En 1876, Fort Abraham Lincoln était sous le commandement du Lieutenant-Colonel Custer, C’est d’ici que le 17 mai, les troupes de la 7e cavalerie marchèrent vers l’ouest jusqu’à la rivière Little Big Horn. Le 25 juin, Custer et une partie des soldats furent tués lors d’une bataille avec les indiens.  Du fort, il ne reste que quelques baraques reconstituées qu’occupaient les soldats, et la réplique de la maison du L-C Custer et son épouse.   En après-midi, nous nous rendons la visiter en compagnie d’un guide qui personnifie un soldat de l’époque. La vie était peut-être ennuyante pour Madame Custer, mais elle avait la chance d’avoir une belle demeure et des serviteurs à son service. 

Soldat Trandess à Fort Abraham Lincoln
La maison du Lieutenant-Colonel Custer
Les Custer étaient musiciens

Un mini-bain en 1735
Une autre attraction intéressante au Fort Abraham Lincoln est la reconstitution du « Slant Indian Village ». Ce village fut occupé par les indiens Mandans entre 1650 et 1750 et était constitué de 75 maisons construites sous des buttes de terre.  Les Mandans étaient des jardiniers. Les femmes faisaient pousser du maïs, des fèves, des courges et des tournesols ce qui permettait à la tribu de survivre aux rudes hivers. Ils pratiquaient la polygamie car il y avait deux fois plus de femmes que d’hommes en raison du danger d’être chasseurs.  A l’automne 1804, quand Lewis et Clark arrivèrent à l’emplacement du village, il était en ruine, ses habitants ayant succombé à une épidémie de petite vérole.

Maison des Madans au village O-Slant

L'intérieur d'une maison sous terre
Mandans, automne 1804
S’il fut un temps où l’expédition de Lewis et Clark ressembla à une gang de gars partis pour un long voyage de camping, ce fut dans la première moitié d’octobre 1804. L’automne sur la rivière Missouri dans les Dakotas était un vrai délice. Les grands mammifères des plaines étaient regroupés en troupeaux et les voir traverser la rivière tous ensemble était une des plus belles scènes de la nature.  Pour Lewis, c’était un temps magique.  Il passait la majorité de son temps à explorer et marcher le long de la rive, retournant au bateau à la noirceur.  Il était un grand marcheur, avec de longues jambes, capable de couvrir 30 milles (48 km) par jour sur les plaines. 

En passant par la partie nord du Dakota sud, l’expédition rencontra plusieurs villages abandonnés. Ceux-ci avaient déjà été habités par la puissante tribu des Arikaras. Des 30,000 indiens qui y vivaient, la tribu avait été réduite à pas plus d’un tiers dans les années 1780 par une épidémie de variole. Une autre épidémie survenue en 1803-1804 décima encore la tribu. Où il y avait 18 villages l’année précédente, il n’en restait que trois au moment où Lewis y arriva.

Le 8 octobre, le bateau passa une île près de l’embouchure de Grand River, lieu des trois villages Arikaras. L’île était un grand jardin où poussaient du maïs, des fèves et des courges. Lewis reçut un accueil chaleureux de la part des Arikaras.  Il y rencontra Joseph Gravelines, un commerçant de fourrures, qui vivait avec eux depuis trente ans et qui fut pour lui une source inestimable d’information sur la région du Haut-Missouri, en plus d’être un excellent interprète avec les Arikaras. Le 10 octobre, les chefs et quelques guerriers vinrent rencontrer Lewis et Clark à leur camp. Après avoir fumé et échangé des présents, Lewis leur fit son discours habituel. Lorsqu’il eut terminé,  les capitaines leur remirent le ballot numéro 15  qui avait été préparé pour eux il y a quelques mois à Wood River. C’est à se demander pourquoi ils n’avaient pas été aussi généreux avec les Sioux.  Les capitaines offrirent du whisky aux Arikaras, mais non seulement ceux-ci refusèrent, ils embarrassèrent Lewis et Clark en leur faisant remarquer qu’ils étaient surpris que leur grand chef leur offre de la boisson qui les faisait agir comme des fous.

Dans l’après-midi, les hommes visitèrent les villages. York, l’esclave noir de Clark, fit sensation. Sa taille était impressionnante. Les Arikaras n’avaient jamais vu un homme noir et ne pouvaient pas décider si c’était un homme, une bête ou un être spirituel. Pendant ce temps, les soldats profitaient des faveurs des femmes Arikaras, souvent encouragées par leurs maris qui croyaient qu’ils pourraient acquérir de la puissance des blancs transmises à eux par leurs femmes.  Ce que les Arikaras ont attrapé de leur hospitalité envers les commerçants blancs venus précédemment,  ce sont des maladies vénériennes, qui étaient endémiques dans le village, et les ont transmises aux hommes de l’expédition.

Le jour suivant les chefs Arikaras firent connaître leur réponse aux propositions de Lewis.  Ils dirent qu’ils étaient heureux d’avoir un nouveau grand chef et que la route était ouverte à l’expédition pour toujours. Ils demandèrent aux capitaines de faire la paix entre leur peuple et les Mandans. L’un d’eux accepta de monter à bord du bateau et de faire le voyage jusqu’aux villages Mandans pour parler au conseil de bande avec le support de la délégation des Américains.

Le 24 octobre, l’expédition était rendue au nord de la ville actuelle de Bismarck et approchait des villages Mandans qui étaient le centre du commerce des Plaines du Nord, attirant les indiens des régions  les plus éloignées. Nulle part ailleurs on pouvait voir d’un simple coup d’œil la diversité et le style de vie coloré des indiens des Plaines. On pouvait y acheter ou vendre des chevaux et des mules espagnols, des vêtements de cuir Cheyenne de grande qualité, des fusils Anglais,  de la viande, des produits de toutes sortes, des fourrures, des peaux de bison, des couvertures et des instruments de musique. C’était une période de festivités dans les cinq villages.

Il y avait deux villages Mandans. Celui au bas de la rivière était dirigé par le chef Big White et celui au haut de la rivière par le chef Black Cat.  Sur la rivière Knife, il y avait trois villages Hidatsas. Le jour même les capitaines rencontrèrent le chef Big White accompagné de 25 chasseurs.  Avec Gravelines à ses côtés, Lewis introduisit Big White au chef Arikara avec beaucoup de cordialité et de cérémonie. Ils se rendirent tous ensemble au village.  La paix semblait possible entre les Arikaras et les Mandans.  C’était un bon début pour les capitaines avec les indiens qui seraient leurs voisins tout l’hiver. Malgré cela, ils restaient prudents. Il y avait 4000 indiens dans les cinq villages et parmi eux 1300 guerriers. Heureusement les Mandans demeuraient amicaux.

Au matin du 31 octobre, le chef Black Cat invita Clark à son campement pour entendre ce qu’il avait à dire. Black Cat répondit à Clark que son cœur serait rempli de joie s’il pouvait y avoir une paix entre les Arikaras et les Mandans et que les hommes Mandans puissent chasser sans peur et que les femmes Mandans  travaillent dans les champs sans toujours surveiller des ennemis potentiels.

Les quartiers des capitaines étaient au Fort Mandan lequel était situé sur la rive nord du Missouri, directement en face du village Mandan plus bas.  La construction avait commencé le 3 novembre et consistait en deux rangées de huttes avec une palissade du côté de la rivière, une porte et un poste de sentinelle. 

Le 4 novembre, un canadien-français du nom de Toussaint Charbonneau vint les visiter pour offrir ses services comme interprète. Il vivait parmi les Hidatsas et était un commerçant indépendant. Ses deux squaws (ou femmes) étaient Shoshones une tribu qui vivait dans les Montagnes Rocheuses à la source du Missouri. Quatre ans plus tôt un groupe de guerriers Hidatsas avait capturé ces deux jeunes adolescentes. Charbonneau les avait gagnées lors d’un pari avec les guerriers.  Avec enthousiasme, les capitaines acceptèrent l’offre de Charbonneau, pas tellement pour l’intérêt qu’il présentait mais parce que ses femmes parlaient la langue des tribus des montagnes.  En raison des difficultés qu’ils avaient connues avec les Sioux, ils savaient combien il était difficile de communiquer avec les indiens sans un interprète.  Ils signèrent immédiatement un contrat avec Charbonneau et une de ses femmes pour continuer le voyage avec eux. Charbonneau choisit Sacagawea qui avait 15 ans et était enceinte de 6 mois.

Les mots paix et guerre n’avaient pas la même signification pour les Américains et les indiens.  Les hostilités pouvaient reprendre à tout moment entre les tribus, sans raison apparente autre que la fébrilité des jeunes guerriers stimulés par leur désir d’honneur et de gloire. Les capitaines étaient impuissants et naïfs face à cette situation et se mêlaient d’affaires qu’ils ne comprenaient pas.  Cependant les Mandans étaient patients avec eux.  Les hommes de l’expédition mangeaient une grande quantité d’aliments à chaque jour. Pour passer l’hiver, les Américains allaient avoir besoin des réserves de maïs, de fèves et de courges des indiens et trouver une source d’approvisionnement en viande.  Le 7 décembre, un chef Mandan arriva au fort pour rapporter qu’il y avait un grand nombre de bisons sur les collines quelques milles plus loin. Il offrit des chevaux aux soldats et demandèrent aux Américains s’ils voulaient joindre les Mandans à une chasse, ce que Lewis accepta d’emblée. Lewis et ses hommes tuèrent onze bisons ce jour-là et neuf le jour suivant.  La température était -43 Celsius durant le jour et il restait encore 13 jours avant l’arrivée officielle de l’hiver. 

2 commentaires:

  1. Pour qui aime l'histoire, c'est un parcours très intéressant que vous suivez.

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  2. J'aime tes textes. Ils me rappellent notre voyage en ces lieux. ta soeur Louise

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